Demain j’aurai vingt ans d’Alain Mabanckou

C’est une phrase qu’aurait pu prononcer dans les années 70 tout jeune Congolais. Par exemple Michel, le personnage du dernier roman d’Alain Mabanckou publié cet automne aux éditions Gallimard.

À travers les yeux d’un gamin d’à peine dix ans, l’auteur de Black Bazar raconte les péripéties d’un adolescent fasciné par les changements qui s’opèrent autour de lui : radiocassette, montée du communisme, fin du régime du Chah d’Iran, années Kissinger et déjà, conséquences d’une nouvelle théorie qu’on a fini par appelé mondialisation.

Alain Mabanckou au Salon du livre de Montréal, Touki Montréal, 2010

La force de Mabanckou réside dans cette capacité qu’il a de se fondre dans la peau d’un adolescent et de plonger chaque lecteur dans un univers où il se reconnaîtra forcément. Probablement parce que comme bien d’autres, il n’a réellement jamais cessé d’être ce jeune enfant, attaché à sa mère (maman Pauline), à son père (Papa Roger) et à son pays.

Blek le Rock, Email Landry, Opium du peuple, Zembla sont autant de noms et d’expression qui ramèneront certains lecteurs dans les entrailles de leur souvenir, au temps ou ils rêvaient d’avoir 20 ans, un jour.

«C’est un livre sur l’enfance, ses joies pures et ses mélancolies. Cette fraîcheur insuffle au lecteur douceur et énergie. Et dans ces évocations du passé non seulement la fidélité n’est jamais artificielle, mais la nostalgie semble pleine d’espérance et il y a du bonheur au fond de la tristesse », témoigne Bertrand Delanoé, Maire de Paris sur son blogue.

Alain Mabanckou raconte l’amour et la jeunesse africaine comme il critique la dictature et la cupidité d’un continent qui fête aujourd’hui ses 50 ans d’indépendances. Paradoxalement, l’auteur illustre aussi le bagage culturel français dont ont hérité plusieurs générations de Congolais et d’Africains.

Pendant que le chanteur regrette son arbre, moi je prends la boîte dans laquelle il y avait une cassette. Je la retourne, je vois enfin la photo du chanteur. C’est un Blanc avec beaucoup de cheveux et des yeux qui brillent. Il a une moustache, son regard est triste, mais son visage est très gentil (…)

Je vais désormais [l’] appeler «le chanteur à moustache» : même si son vrai nom qui est écrit sur la cassette c’est Georges Brassens.

Alain Mabanckou à Tout le monde en parle, le 21 novembre

Alain Mabanckou revient aussi dans ce dernier opus sur d’autres ouvrages. Il n’hésite pas par exemple à faire des clins d’œil à sa première BD, Ma Sœur-étoile, dans laquelle il donne un peu de lui.

Il parle notamment de sa première grande sœur qui n’a pas résisté longtemps aux rayons de soleil, et qu’il retrouvait chaque nuit au ciel, par le biais d’un trou sur le toit de sa maison.

Le lecteur averti devinera qu’une autre BD viendra s’ajouter à la vingtaine de livres que cet auteur prolifique a légués.

Avant de fermer les yeux, je pense très fort à mes deux sœurs qui sont au ciel. Ma Sœur-Étoile et Ma Sœur-Sans-Nom.

« La musique est essentielle à la littérature parce qu’écrire, c’est écouter une muse qui vous parle », expliquait en août dernier, Alain Mabanckou à Touki Montréal. Espérons que le chef d’orchestre qu’il est ait autant de muses que d’étoiles dans le ciel.

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