Captive d’une révélation : les vêpres désenchantées de JAZ

Début d’une rencontre enragée, au théâtre des Deux Mondes, avec la mise en scène  de Kristian Frédric et ce texte insaisissable du grand auteur ivoirien Koffi Kwahulé. L’attente est longue et étrange avant un fondu au noir, je ne sais rien de ce qui m’attend.

Un lieu de martyre, trois écrans, une surveillance sordide et des chiffres qui défilent comme dans le film Matrix. Cela ne ressemble en rien à ces pâles imitations de nos vies. Dès le début, une faille, des échos d’usine ou de prison, des portes qui s’ouvrent, les rumeurs d’agitation du monde et de son indifférence. Un corps exposé, ligoté, une femme sur scène, androgyne, rasée, torturée par une présence invisible, un non-dit qui la force. Seule à l’intérieur de cet espace métallique, épuré, elle répond à des appels muets et de vieilles culpabilités dont je devine à peine le sens.

Jaz -Photo : Nicolas Descoteaux

Mon regard est pris en otage, et je rêve d’une évasion, d’exorciser ce cauchemar de répétitions. Perdue, je m’essouffle avec sa respiration. Des informations manquent.

Une lumière de déclin, des reflets marins, d’autres rouges sang. Dès le début et jusqu’au bout, ce corps à corps avec elle, ses éclats de voix, ses explosions. Qui est Jaz ? Quelle spectatrice suis-je ? Témoin ? Espionne ? Voyeuse ?

Peut-être une réponse, Jaz est un lotus…

Ce siècle transpire la défécation…pendant que l’homme se putréfie.

Elle frotte son crâne et son visage avec de la boue. Elle tremble. J’écoute ce que je n’ai pas envie d’entendre, éblouie par le contraste des ombres, abasourdie par les mots d’une langue créole, les paroles chaotiques, les incohérences et les répétitions lancinantes.

La peur monte et descend sur une machine où toutes les interprétations sont possibles.

Sur les écrans : des morts, les entassements de la guerre, le vacarme extérieur, le christ désincarné.

Comment Dieu a-t-il pu tolérer une telle laideur ? Jaz accouche-t-elle d’une honte ?

Je devine, entre les silences de ce portrait fou, le déchirement d’une histoire d’amour secouée, fragmentée avec Oridé.

J’ai tant rêvé de toi que tu perds de ta réalité.

Le décor et le monologue viscéral de la comédienne m’ébranle. L’horreur n’a pas de fin, mais sa prouesse contre l’oubli me transforme et j’applaudis en quête de cette absolution : la joie du sourire d’Amélie Chérubin-Soulières comme une libération !

JAZ de Koffi Kwahulé

Mise en scène de Kristian Fredric. Avec Amélie Chérubin-Soulières

En reprise du 1er au 12 novembre 2011

THÉÂTRE AUX ÉCURIES

Billeterie : 514 328 7437

Quelques photos de la soirée :

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Photo : Nicolas Descoteaux

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