Plus sérieux au travail, les handicapés ont la cote en RD Congo

Travail rapide et soigné, accueil courtois et poli, respect des délais de livraison… Les cordonniers et couturiers handicapés de Beni, au Nord-Kivu, ont bonne réputation. Certains ateliers manquent même de place pour recevoir une clientèle toujours plus nombreuse.

(Syfia Grands Lacs/RD Congo)

À l’approche des fêtes de fin d’année, les ateliers de couture tenus par des handicapés à Beni, au nord de Goma, grouillent de monde. « J’aime faire confectionner mes habits chez eux parce qu’ils sont plus rapides et ne sont pas des menteurs comme nos frères valides. En une journée, ils sont capables de terminer de coudre votre blouse ou de remettre en bon état vos souliers », explique Wivine Maliro, une cliente de longue date.

Tout pour la grâce, qu’elle a l’habitude de fréquenter, est un grand atelier et aussi un centre de formation pour handicapés au cœur de Beni, une ville de plus de 500 000 âmes. Avec ses nombreuses machines à coudre, à broder et à surfiler les habits, mais aussi ses planches et ses fers à repasser, ses machines à surfiler les souliers, cette manufacture fait la fierté de nombreux usagers.

Plus loin, Haute couture mixte, un autre atelier que dirigent des handicapés physiques, manque d’espace pour recevoir la nombreuse clientèle qui s’y bouscule. Appuyé sur des béquilles, Kyavuliki Maneno, l’un des trois employés, qui accueille gentiment la dizaine de femmes venues chercher un endroit « sûr et rapide » pour faire coudre leurs habits, affirme s’occuper « uniquement du choix du style, de la mode, de mesure et de facturation » avant que ses deux autres collègues ne se mettent à l’œuvre.

Travail bien fait

Le bon accueil dont font l’objet les clients et le sérieux que ces handicapés mettent dans leur travail leur ont valu une bonne réputation dans la ville. « À notre niveau, nous avons un langage courtois et humble envers nos clients, car c’est grâce à eux que nous vivons, se félicite Adèle Katungu Kahamwithi, couturière expérimentée. Nous faisons de notre mieux pour ne pas leur fixer de faux rendez-vous ou leur faire faire des va et viens qui finissent souvent en conflits ».

Tous les couturiers n’ont pas la même éthique… Ali Mbela n’a ainsi pas pu porter son uniforme le jour de la fête du cinquantenaire de l’indépendance. Cet habitant de Beni, qui se tourne désormais vers les handicapés, avait déposé une semaine avant un pagne chez un couturier valide qui lui avait fixé une échéance qu’il n’a pas respectée. « Jusqu’à la veille, rien n’avait été fait », regrette-t-il.

Coordonnateur de l’association pour la défense des handicapés de Beni, Pascal Muhindo comprend bien la performance de ses frères qui s’imposent de plus en plus ces deux dernières années : « La plupart d’entre eux n’ont pas d’autres moyens de survie, c’est pourquoi ils font tout pour mériter la confiance des clients ».

Même constat chez les cordonniers. En diagonale du Palais de justice de Beni, Roger Kambale qui tient la cordonnerie Maisha ni Siri (La vie est un secret) a réussi à s’imposer dans l’un des quartiers bouillants de la ville. Il se spécialise surtout dans la retouche des souliers neufs auxquels il ajoute des demi-semelles et des protège-talons. « Lorsqu’on achète un soulier en cuir dans un magasin, il n’est pas bon de le porter directement, conseille-t-il aux gens. Il faut le retravailler pour une meilleure garantie ».

Apprendre un métier au lieu de mendier

Au sein de l’association, tout en défendant les intérêts des membres, Pascal Muhindo condamne ses camarades qui ne veulent pas travailler en apprenant un métier. Un membre de l’association résumait ainsi leur situation, le 3 décembre, lors de la Journée mondiale des personnes vivant avec handicap. « Je suis handicapé physique, mais pas déficient mental. Je n’ai pas de jambes, mais j’ai quand même des bras valides que j’exploite. Je regrette beaucoup de voir certaines personnes ayant un petit handicap se livrer à la mendicité au lieu d’apprendre un métier qui ne les obligerait pas à effectuer des déplacements », a expliqué Samuel Mukirania.

Ainsi, malgré son handicap physique, Guillain Kavalami est épanoui dans son travail de professeur de français à l’institut Bungulu et invite d’autres à faire comme lui. C’est la même interpellation que lance le président diocésain des personnes handicapées, Adèle Kathungu, qui pense qu’au lieu de donner du poisson tous les jours aux handicapés mieux vaut leur apprendre à pêcher. Il a l’habitude de dire à ceux qui viennent demander de l’aumône, de suivre son exemple et de se battre pour gagner leur vie.

Par Jacques Kikuni Kokonyange

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