Des jeunes congolais coiffent et lavent des fous

A Matadi, capitale du Bas-Congo où l’errance des malades mentaux inquiète tout le monde, des jeunes regroupés dans une petite Ong bénévole les récupèrent dans la rue, les lavent et les coiffent. Sans moyen pour leur apporter d’autres soins, mais espérant ainsi avoir éveillé l’attention des autorités sur leur sort…

(Syfia Grands Lacs/Rd Congo)

Tout est parti d’un fait assez banal en octobre 2010. Un fou passe dans un parking de commerçants à Mikondo, dans la ville de Matadi (sud-ouest de Kinshasa) et laisse une odeur nauséabonde derrière lui. Des jeunes chargeurs révulsés par ces effluves décident de prendre soin de lui. De leurs gros bras, ils le prennent et le conduisent dans des toilettes publiques du marché tout proche. « Nous l’avons déshabillé malgré cette odeur et l’avons lavé », raconte Guylain Mpala, l’un des jeunes.

L’opération a surpris et réjouit tout le monde. Encouragés par la population notamment les vendeuses du marché, ces jeunes ont poursuivi ce boulot inattendu que personne n’a osé faire auparavant. En cette seule journée, « nous avons réussi à récupérer et à laver 26 malades mentaux », explique Guylain.

Interpellé par l’initiative de ces jeunes, le président de ce parking, Léon Zabole, a sur le coup décidé de les soutenir. Il a créé une petite Ong baptisée “Fraternité Plus”, qui regroupe tous les chargeurs de Mikondo animés de la volonté de s’occuper de la propreté des fous du coin. En janvier, il a acheté des gants, de l’alcool, des rasoirs, des vêtements pour les malades et de la boisson pour les jeunes. Aujourd’hui, « une septantaine de ces malades ont été lavés, coiffés et nourris », explique Zabole.

Une initiative saluée par tous

L’errance des malades mentaux est devenue, ces dernières années, un phénomène inquiétant à Matadi. Ils sont de plus en plus nombreux dans les rues, hommes et femmes. Certains trimbalent des sacs remplis d’ordures, voire de matière fécale, qui dégagent une odeur fétide ; d’autres débitent des insanités, s’embrassent chaudement dans la rue…

Voir certains parmi eux changer de look du jour au lendemain et se promener dans la rue sans trop indisposer les passants, fait un peu changer d’air dans la ville. « Je n’ai jamais vu quelque chose de pareil dans toute la province », s’exclame de joie Bibi Muya, une commerçante.

Dans les marchés où leur passage est souvent craint de petits commerçants, les histoires à raconter ne manquent pas. Les vendeurs des vivres particulièrement redoutent de les voir arriver devant leurs étals, par peur qu’ils ne touchent à leurs produits et ne transmettent par ce contact des maladies aux aliments. « Une fois, l’un d’eux s’est permis de toucher à mes pains. Je ne savais plus quoi en faire », se rappelle Josée Mavinga. D’autres fous comme Tina, bien connu au marché Mikondo y semaient souvent la terreur en lapidant les gens.

Pour le groupe des jeunes laveurs, se saisir de ces personnes atteintes de troubles mentaux n’est donc pas facile. Ils multiplient des stratégies pour les avoir. « Nous allons vers eux avec beaucoup de prudence, car certains n’aiment pas la violence ». Ils leur tendent des appâts tels que des biscuits, du pain, des cigarettes… pour les amadouer. Mais face aux plus violents, comme Gloria, ils doivent faire usage de leur force musculaire. « Mais jusqu’ici, personne n’a réussi à l’attraper. Il nous échappe toujours », avoue Guylain.

Besoin de soutien

Les folles ne sont pas concernées, ceux qui lavent les malades mentaux étant tous des garçons. Après l’opération, ils sont cependant tous relâchés dans la rue ce que regrette Zabole. Il souhaite en effet travailler avec un psychiatre pour traiter et réinsérer ces malades mentaux dans la société. « J’aimerais, dit-il, les garder pour leur assurer un bon suivi des soins, mais je n’y peux rien. » Avec ses ressources et malgré l’aide de son épouse qui tient une gargote, il ne peut pas faire plus.

Les autorités se contentent pour le moment de saluer l’initiative. « Ces jeunes méritent d’être soutenus, mais l’argent manque », déclare Jean-Baptiste Mifunu, bourgmestre de Mvuzi, la commune où l’opération a démarré. Le maire de Matadi, Jean-Marc Nzeyidio voudrait, lui, rencontrer ces jeunes. « L’apport médical doit absolument suivre. Avec une bonne organisation et si le gouvernement donne des moyens, notre centre est prêt à résoudre ce problème », assure Joseph Ngoma, assistant-psychiatre au Centre de santé mentale de Matadi, qui héberge seulement six pensionnaires.

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