Venus Noire : Triste beauté sans dignité

Le dernier film du réalisateur franco-tunisien, Abdellatif Kechiche a rencontré un succès mitigé, lors de sa sortie en France en octobre 2010. Venus noire est une œuvre cinématographique sans doute trop crue pour le public qui n’a pu supporter de voir ces réalités passées.

Ce film raconte les faits historiques vécus par Saartjie Baartman (incarnée par l’actrice cubaine Yahima Torres), une jeune femme originaire de la région du Cap, en Afrique du Sud. Exilée en Europe au 19e siècle, connue aussi sous le nom de la Vénus hottentote, Saarjie fait partie de l’ethnie Khoisan. Elle sera la proie de plusieurs hommes occidentaux qui feront de sa personne un objet d’étude, une bête de foire, une beauté sans dignité humaine.

Sans transition romancée, la première scène du film baigne tout de suite le public dans le froid de cette époque. Où les préjugés scientifiques mettaient en avant les distinctions de races.

Le naturiste français Georges Cuvier (interprété par François Marthouret) expose dans un amphithéâtre universitaire, bondé de monde,  les organes génitaux, le cerveau et le moulage du cadavre de la Vénus hottentote.

Ses descriptions sont accompagnées d’une argumentation régressant la Vénus. Leurs études et expériences voulaient prouver l’infériorité de la «race noire». Une introduction déjà morbide qui laisse présager la suite du film : choquante et bouleversante.

Bien avant de terminer dans les bocaux de formol des scientifiques, la Vénus noire a eu un parcours difficile, voire invivable. Auparavant simple domestique, elle se retrouve à Londres et devient une « vedette ».

Durant des spectacles de foire, Saartjie joue le rôle d’une bête mi- sauvage aux formes physiques généreuses. Devenue une véritable esclave, elle continuera de supporter cette double vie, celle de la scène et celle de cette femme qui sombre dans l’alcoolisme pour oublier ses humiliations.

Cette «princesse hottentote» déchue, brisée, attisera les convoitises des hommes les plus vicieux. Elle nourrira les fantasmes et les peurs. Par la suite la Vénus sera vendue par son «gérant artistique» aux scientifiques qui l’utiliseront comme cobaye pour faire des recherches. Son intimité bafouée, elle peine à garder la propriété de son propre corps.

La Vénus noire sera accueillie finalement dans une maison closes où ses aventures continueront de l’amoindrir, la conduisant tout droit vers la décadence. Sa vie semble sans issue heureuse, condamnée à utiliser son corps comme objet, l’érotisme se faisant sans cesse écraser par la violence sexuelle.

Âgée seulement de 25 ans, la Vénus hottentote succombera à ses déboires. Le moulage de son cadavre sera ensuite exposé au Musée de l’Homme à Paris jusqu’en 1974.

En 2002, la France accepte de remettre la statue et les organes de la défunte Saartjie Baartman à l’Afrique du Sud, après de nombreuses négociations juridiques et diplomatiques.

Le réalisateur Abdellatif Kechiche n’avait pas l’intention de faire un film qui soit agréable ou beau. Il s’agit plutôt d’un portrait de l’humanité qui attriste mais marque les consciences. Les âmes sensibles devraient peut-être s’abstenir, car certaines scènes sont dures et réalistes.

L’odyssée de la Vénus noire est gorgée de sujets de société tabous qui jusqu’aujourd’hui ont laissé des traces : le voyeurisme, le viol, l’identité culturelle et le racisme. Le film génère des questionnements sur la complexité de l’art et ses limites.

Le personnage de Saartjie Baartman est profond et ambigu. Pouvait-elle se battre contre sa condition? Était-elle sa propre esclave en acceptant de jouer ce rôle de princesse sauvage? Tant de lectures et d’interprétations du film qui laissent perplexe, avec un léger goût amer.

En salle au Québec dès le 1er avril 2011

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