Au Rwanda, les autorités locales abusent des amendes

Au Rwanda, certains élus locaux abusent de leur position pour infliger des amendes aux villageois ou leur soutirer de l’argent sous prétexte de contribution aux programmes du gouvernement. Personne ne contrôle l’utilisation de ces fonds publics.

« Si les citoyens ne sont pas impliqués dans la gestion et l’utilisation transparentes de leurs contributions, ils doivent refuser de verser leur argent qui ne sert qu’à enrichir les responsables », conseillait en juin un agent du ministère de l’Administration locale du Rwanda à ceux qui se plaignent des amendes imposées par les autorités locales et dont ils ne connaissent pas la destination.

Dans de nombreux districts, les autorités décident d’infliger des amendes de leur propre chef, parfois pour des délits qui n’en sont pas. Souvent aussi, elles profitent des programmes gouvernementaux pour soutirer de l’argent à la population. « Les dirigeants de base fixent ces peines selon ce que le fautif est en mesure de payer. C’est pourquoi elles diffèrent d’une région à l’autre, d’une personne à l’autre », explique, très en colère, Ancilla Mutegwagaju qui a été sommée de payer 9 000 Frw (15 $), car sa vache avait brouté le champ de son voisin.

De fait, dans ce district de Nyagatare, à l’Est, l’amende pour une vache qui endommage des cultures varie de 2 000 à 10 000 Frw (3 à16 $) par animal. Selon A. Mutegwagaju, ces recettes ne servent nullement à réparer les torts causés à la victime ; elles rentrent dans la caisse « publique » et, s’étonne-t-elle, « personne ne connaît l’utilisation de ces recettes publiques, car le responsable qui les encaisse ne délivre pas de quittance. »

 Souvent, ces sanctions pécuniaires ne sont d’ailleurs inscrites dans aucune loi. Dans le secteur de Kinoni, Burera, Nord, quiconque est attrapé en train de fumer ou de vendre des cigarettes doit payer 2 000 Frw (3 $). Pourtant, « au Rwanda aucune loi n’interdit de fumer », note un villageois.

« Les élus locaux qualifient d’infraction tout ce qu’ils veulent pour soutirer de l’argent qu’ils gèrent comme ils veulent », insiste-t-il. Pour lui, non seulement une bonne partie des amendes sont illégales, mais elles sont aussi trop lourdes par rapport à l’infraction en question. Les paysans sont toutefois obligés de les verser, car « ceux qui résistent sont mis au cachot et n’en sortent qu’après avoir payé le double », révèle ce villageois de Rugarama.

Dans différentes régions, un citoyen, âgé plus de 18 ans, qui n’accomplit pas les travaux communautaires, Umuganda, doit payer une amende de 5 000 Frw (8 $) prévue par la loi et qui rentre dans les caisses publiques. Mais à l’Est, son montant dépasse rarement 3 000 Frw, alors qu’au Nord, on taxe jusqu’à 10 000 Frw (16 $), rapporte un activiste des droits de l’homme de Kigali. « Les conseils consultatifs des districts ont la prérogative de fixer des taxes en fonction de la situation de leurs ressortissants, mais les responsables des imidugudu (villages) ou cellules ne sont pas autorisés à imposer des amendes », rappelle le député Alfred Gasana.

Détournement de fonds publics

Il arrive que ces décisions soient contestées. Les enseignants du secteur de Ngoma, district de Huye, Sud, et leurs dirigeants de base sont actuellement à couteaux tirés. Les élus locaux ont, en effet, décidé unilatéralement de retenir 9 000 Frw sur le salaire annuel de chaque enseignant. Ils avancent que c’est là une contribution au programme Girinka (Une vache par famille pauvre), que soutiennent les autorités. Pour Mme Kalibata, ministre de l’Agriculture, « ces autorités de base sont hors la loi ». « Les élus ne doivent pas forcer les gens à contribuer à ce programme, met-elle en garde. Celui qui veut apporter sa contribution doit le faire de son propre gré. »

« Les responsables prennent prétexte des programmes du gouvernement pour soutirer de l’argent à leurs concitoyens, estime un enseignant de Ngoma. La dernière fois, chaque enseignant avait été sommé de payer 3 500 Frw, soi-disant pour contribuer au programme de lutte contre les maisons en paille (Nyakatsi). Mais aucune maison n’a été construite avec la contribution de la population. » « Pour moi, c’est un pur détournement de fonds publics, car ceux qui collectent cet argent ne font jamais état de leur utilisation », ajoute-t-il.

Les programmes qui font appel à la participation citoyenne sont aussi de bonnes opportunités pour certains élus locaux de gagner de l’argent. C’est ainsi que les habitants doivent contribuer chaque année à la construction de nouvelles salles de classe. Des fonds sont collectés, mais dans de nombreuses entités, il n’y a aucun contrôle sur leur gestion.

Par Albert-Baudoin Twizeyimana

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