Des administratrices burundaises favorisent l’émancipation des femmes

Au nord du Burundi, les femmes qui dirigent des communes encouragent les autres à mieux faire respecter leurs droits, à se regrouper en associations et à se libérer de l’emprise de leurs maris, souvent violents. Certains d’entre eux les suivent dans cette voie à laquelle ils trouvent des avantages.

Burundaises, Crédit Photo : Martine Perret, Flickr

« Madame l’administrateur, viens par ici ! » Pia, une paysanne de Busiga, une des deux communes de Ngozi dirigées par des femmes au nord du Burundi, invite sans aucune gêne son administratrice à venir la saluer chez elle. Elle est de ces femmes qui affirment se sentir mieux depuis qu’elles sont dirigées par une des leurs.

« Quand c’était un homme, j’avais toujours peur de l’approcher ! », fait savoir l’une d’entre elles, rencontrées au même endroit. D’autres, de Gashikanwa, l’autre commune de Ngozi ayant à sa tête une femme, expliquent qu’elles avaient toujours gardé l’ancienne mentalité qui les obligeait à garder la maison et ne parler ni devant, ni avant un homme.

Ces administratrices sont arrivées au pouvoir grâce à la Constitution exigeant la représentativité ethnique et de genre et l’équilibre dans toutes les structures et les institutions de l’État, notamment l’administration publique et les corps de défense et de sécurité. Quand les autres femmes, le plus souvent ignorantes de la loi, voient une administratrice proche d’elles, elles retrouvent du courage et se sentent apaisées… La parole se libère.

« Désormais, elles se plaignent quand leurs droits sont violés », affirme Pascasie Manirakiza, administratrice de Busiga. Avant d’être élue, cette dernière, qui était un des conseillers de cette commune, fait savoir que les conflits entre hommes et femmes se réglaient généralement toujours en faveur des premiers. « Aujourd’hui, je parle sans crainte. Je ne me soucie plus du mépris. Je vois que des femmes peuvent diriger, l’égalité commence à se réaliser », observe Julie Nduwimana de Gashikanwa.

« Qui oserait encore vous battre ? »

Certains époux changent eux aussi progressivement de mentalité. « Maintenant, mon mari me dit, lorsqu’il pense à me frapper, ‘vous les femmes, qui oserait encore vous battre sans risquer l’emprisonnement ? C’est votre promotion ! », se félicite Béatrice. Plusieurs d’entre eux, surtout ruraux, respectent désormais la femme pour sa capacité à diriger. « On ne faisait que se tromper, elle aussi est forte ! », reconnaît Bonaventure de Gashikanwa. Des paysans avec peu de notions de la loi, commencent petit à petit, à accorder plus de liberté à leurs épouses et à s’associer à elles pour parler des violences qui leur sont faites. Sur la colline Rukeco, dans la province de Ngozi, des femmes et des hommes se réunissent dans le but d’y faire face ensemble.

« Mon mari refusait depuis longtemps que j’adhère à une association. Aujourd’hui, il me comprend et je suis membre d’une de ces structures », se réjouit Marguerite de Gashikanwa. D’autres résistent… Selon un groupe d’hommes de l’association Umwizero, ils craignent que leurs conjointes deviennent moins vulnérables en discutant avec d’autres personnes et ont peur d’avoir moins de pouvoir ensuite pour les dominer et les maltraiter.

Bénéfique pour toute la famille

Cette émancipation est cependant bénéfique pour l’ensemble de la famille. Non seulement les femmes adhèrent aux associations, mais elles mènent en plus différentes activités. Un soutien de poids pour les maris. « Avant, j’obligeais ma femme à rester à la maison (s’occuper des activités ménagères et champêtres, Ndlr). Je ne voyais pas qu’elle aussi pouvait amener des revenus ! », souligne Bosco, quinquagénaire de Ngozi. Certaines, membres d’associations sur les collines, labourent par exemple ensemble des champs. Avec l’argent de leur travail, elles se font entre elles de petits crédits remboursables sans intérêts. « Il y a quatre mois, il nous manquait, à mon mari et moi, 12 $ pour payer le minerval de notre enfant. Notre groupe m’a fait crédit », se souvient Buyoya, membre de l’association Kazozakeza. De plus en plus de femmes, travaillent par ailleurs avec les hommes dans des chantiers de construction, comme aide-maçonnes ou même maçonnes.

Mais, toute médaille a son revers et certaines adhèrent à plusieurs associations en même temps. Elles y passent beaucoup de temps, parfois au détriment de leur propre famille. En agissant ainsi, elles font reculer la liberté des autres et provoquent la colère des maris. « Retournez chez celui qui vous a appris à ne pas travailler et à rentrer tard à la maison ! », s’emporte Juvénal contre son épouse rentrée à 18 heures. Elle venait de passer quatre jours de la semaine sans travailler à la maison…

Par Eric Nshemerimana

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