Le manque de crédit freine les projets et favorise l’usure au Burundi

Au nord du Burundi, en raison de la pauvreté, les habitants remplissent difficilement les conditions nécessaires pour obtenir un crédit bancaire. Cela bloque les projets des particuliers et incite les petits commerçants à recourir aux usuriers.

« Mon projet de finir ma maison est en panne depuis plus de deux ans, car je manque de garanties bancaires pour obtenir un crédit », confie Adolphe, un enseignant de Kayanza. En effet, depuis trois ans environ, les conditions d’obtention de crédit sont devenues un véritable frein au développement dans la région.

Les habitants du nord du Burundi, surtout les fonctionnaires et les petits commerçants, qui doivent recourir aux banques pour réaliser leurs projets, sont particulièrement pénalisés depuis que les banques s’attachent à diminuer les risques de non-recouvrement des prêts accordés à leurs clients.

« Nous avons un caractère commercial et donc nous devons faire tout notre possible pour récupérer notre argent », justifie un gérant d’une agence de la BCB (Banque de crédit de Bujumbura), au nord du Burundi.

Les banques et les rares institutions de micro finances (IMF) de la région exigent des garanties que peu d’habitants remplissent. Pour obtenir un crédit, il faut avoir soit un avaliseur soit un objet à hypothéquer, comme une parcelle viabilisée, ce qui est rarement le cas.

Les quelques institutions de micro finance présentes dans la région fonctionnent comme des banques et n’accordent que des sommes dérisoires, surtout des découverts trimestriels, aux personnes sans garantie, Pour obtenir un prêt en argent, on retombe dans le même piège qu’avec les banques.

Les IMF considèrent au préalable les mouvements d’argent (retrait et épargne) sur le compte du demandeur, qui le plus souvent n’a aucun capital. La solution la plus simple est de présenter la garantie d’un avaliseur. Mais depuis trois ans, la pauvreté décourage les gens à se porter garant, compte tenu des risques.

C’est le cas de Jacques Nduwimana, qu’un ami avait sollicité. « Le temps d’avaliser les gens est fini, lui a-t-il répondu sans détour. Que se passerait-il si tu meurs avant d’avoir remboursé le crédit ? Que deviendrais-je ? Suis-je capable de vivre en prenant ta relève pour un crédit que je n’ai pas contracté. Cesse de badiner mon cher ! » Et à supposer qu’on trouve un avaliseur, il faut encore lui verser 10 % de la somme empruntée.

Les pertes liées au manque d’accès au crédit sont lourdes. Adolphe précise qu’il a dû payer en loyer l’équivalent de ce que lui aurait coûté le remboursement du prêt nécessaire pour terminer sa maison. Quant à Valentin, un petit commerçant, faute de disposer de 500 $, il n’a pas pu remporter un marché de fourniture de haricots à un restaurant de Bujumbura, qui lui aurait rapporté 200 $ de gain. Seuls quelques fonctionnaires arrivent à s’avaliser entre eux – à condition que la banque le permette –, ce que les commerçants, surtout les petits, ne peuvent faire.

Se fier aux usuriers

Nombre de ces petits commerçants se détournent donc des banques et recourent aux usuriers qui, bien sûr, exigent des taux d’intérêt beaucoup plus élevés. Des commerçants interrogés à ce propos parlent de 50 à 80 % d’intérêts annuels. Ainsi pour 1 000 $ empruntés, ils paient 70 $ d’intérêts par mois soit plus de 800 $ par an.

Aucune banque burundaise ne pratique de tels taux. Les IMF et les banques dépassent rarement les 20 % annuels. L’usure, pourtant illégale, enrichit facilement certains commerçants de Kayanza. L’un d’eux déclare sans vergogne : « Je ne perds plus mon temps à courir derrière les marchandises à vendre. Je joue avec l’argent que je donne (prête, Ndlr) aux petits commerçants. »

L’usure profite aussi à certains fonctionnaires. Ils prêtent le peu d’argent qu’ils peuvent emprunter sans présenter de garantie à des commerçants. Tous y trouvent finalement leur compte. « Je viens d’acheter une moto d’occasion à 800 $. Pourtant, je n’ai commencé ce business qu’il y a un an avec 500 $ », confie un de ces préteurs illégaux. Quant aux petits vendeurs qui cherchent à faire des affaires, recourir à ces usuriers reste, certes, une mauvaise pratique, mais c’est mieux que rien !

Par Eric Nshemerimana

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