Kasaï-Occidental : les agriculteurs n’arrivent plus à se nourrir

Sols appauvris, maigres récoltes, alimentation insuffisante et carencée, les agriculteurs du Kasaï occidental au centre de la RD Congo vivent de plus en plus mal. Sans encadrement, ni semences sélectionnées, les producteurs sont désemparés et continuent à brûler la forêt pour cultiver.

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« Il y a plus de 30 ans, je nourrissais mes enfants avec les produits de mes champs, car les récoltes étaient satisfaisantes. Au matin, le riz et les haricots étaient consommés comme petit déjeuner. Le foufou était présent deux fois par jour à l’heure des grands repas. Actuellement, les villageois ne récoltent plus assez faute de terre fertile », témoigne Paul Mukendi, un grand cultivateur de la paroisse de Mikalayi, au Kasaï, au centre de la RD Congo.

« Aujourd’hui, beaucoup d’enfants meurent dans les villages par manque de nourriture en quantité et de qualité convenable, constate Mathieu Muamba, infirmier d’un centre de santé dans la zone sanitaire de Cikula. Le soja, les chenilles, le haricot sont rares. »

Les familles mangent du foufou aux légumes une fois par jour. Selon lui, « la cuisson se fait sans huile ni d’arachide ni de palme. Les produits sont vendus à vil prix dès les premiers jours de récolte. Les greniers restent vides. La production a baissé malgré la relance de certains projets d’appui ».

Manque d’encadrement

Modeste Kalonji, un agent de développement, se rappelle que « les paysans de 1970 cultivaient sous le contrôle des agronomes et hommes de terrain et que les rendements étaient bons ».

Les champs de la savane, poursuit-il, réussissaient pour certaines cultures semées sur plates bandes ou en sillons en enfouissant des herbes dans le sol. C’était notre technique préférée, confie maman Ado Milolo, une vieille dame de 71 ans, mais « les jeunes d’aujourd’hui se contentent de la facilité. Ils coupent l’herbe à la surface et la brûlent. La production paraît bonne la première fois, mais la deuxième n’est pas évidente ».

Exploiter la même terre plusieurs fois par an est exclu. Sans encadrement, la population se décourage.

Dieudonné Ilunga, agent de développement au secteur de Musuasua, confirme l’absence de techniciens agricoles aux côtés des paysans : « Nous nous déplaçons sur invitation, car nos bureaux ne disposent pas de frais de missions ni de transport.

Toutefois, nous sensibilisons les cultivateurs à utiliser le tithonia et le mucuna comme engrais verts et les composts comme fertilisants. Seulement, ils y croient à peine. »

Pour cultiver le maïs et le riz, les paysans continuent à déboiser la forêt, ce qui renforce les perturbations climatiques, mais ils n’ont pas pour autant changé leurs dates de semis, explique le technicien NDamamba de la Division provinciale de l’Agriculture.

Les tracteurs aux riches

Plusieurs Ong et programmes ont aidé les agriculteurs depuis 2007 : Caritas Congo, la FAO, le PRESAR… En 2008, la population avait reçu des semences sélectionnées et les récoltes ont été meilleures. Ils ont commencé à utiliser des engrais verts, des composts, de la fiente de volaille. Certains de l’hinterland de la ville de Kananga suivent toujours ces conseils et produisent mieux, mais sur de petites surfaces.

Au terme de ces projets, en 2010-2011, la misère a refait surface, car les semences ne sont plus distribuées et l’encadrement a disparu. Les tracteurs et motoculteurs, donnés par le gouvernement, sont confiés à ceux qui ont des moyens, mais ils ne fonctionnent pas toujours faute de techniciens. La population se contente de petits champs de moins d’un hectare sur un sol épuisé. Les aliments de base, maïs et manioc, coûtent cher et sont insuffisants. Actuellement, en période de récolte, un kilo de maïs coûte 1,3 $, quatre fois plus cher qu’en 2009.

M. Ngalamulume , un ancien fonctionnaire, se souvient : « Vers les années1960, le travail de la terre était obligatoire pour tout villageois, et l’État les suivait à la loupe. Les paresseux payaient des amendes. Garder les semences était recommandé et un grenier était exigé dans chaque maison sous l’œil vigilant de l’agronome. Ces bonnes habitudes ont passé avec le temps et la faim a élu domicile chez nous. »

Par Sr Julienne Elameji

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