Rwanda : des Congolais poussés à fuir au Rwanda par l’armée

Les Congolais qui fuient les combats entre les forces gouvernementales et les militaires mutins de Jean-Bosco Ntaganda, recherché par la Cour pénale internationale, affluent au Rwanda ces dernières semaines. Ils se plaignent surtout des exactions des troupes congolaises.

Syfia International

Depuis deux semaines, ils arrivent peu à peu, vieux et vieilles, jeunes garçons et filles, petits enfants aux dos de leurs mamans ou tirés par la main par leurs grands frères ou sœurs… Ils portent des matelas, des mallettes ou des sacs sur la tête remplis d’habits, de casseroles, etc.

Ils fuient les combats qui ont repris depuis un mois dans le Nord-Kivu entre les forces gouvernementales et les militaires mutins fidèles au général dissident Bosco Ntaganda et d’autres groupes armés comme les Maï-Maï.

Ils sont accueillis à la grande barrière de Rubavu, frontière entre Goma en RDC et Gisenyi au Rwanda, par les agents de l’Office rwandais d’immigration, du ministère chargé de la gestion des désastres et des réfugiés (MIDIMAR) et du Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR), dans deux tentes à quelques mètres de la frontière. Une fois inscrits, ils sont embarqués dans des camions du HCR vers le camp de transit de Nkamira, à environ 20 km de là.

Visés par l’armée

?Nous avons dénombré 6 130 réfugiés jusqu’à ce jour. Mais ce chiffre ne cesse d’augmenter puisqu’ils continuent d’arriver?, révèle ce lundi 7 mai, Richard Ndaula, porte-parole du HCR dans ce camp. Le nombre des réfugiés dépassant la capacité du camp (prévu pour accueillir 2 600 personnes), des dizaines d’autres grandes tentes ont été ajoutées. ?Le problème n’est pas encore préoccupant, assure le chargé des réfugiés au MIDIMAR. Mais nous suivons de près la situation.? Les réfugiés reçoivent des provisions, couvertures, jerrycans et des soins médicaux.

La plupart de ces Congolais parlent le kinyarwanda. Ils disent être victimes des exactions commises par les forces gouvernementales. Le 6 mai, lors de la visite de ce camp par le gouverneur de la province du Nord-Kivu, Julien Paluku, Jeanne, une réfugiée, l’a accusé d’avoir dit à Radio Okapi qu’il n’y avait pas de réfugiés congolais qui fuient, mais des Rwandais qui rentrent chez eux. ?Les soldats congolais ont tué mon mari et coupé le doigt d’un enfant voisin nous accusant d’être tutsis?, témoigne-t-elle.

Elle affirme qu’ils sont visés en tant que Tutsis congolais et ne peuvent pas rester chez eux. Un autre réfugié confirme : « Lors de ma fuite, j’ai rencontré des militaires qui m’ont demandé mes pièces d’identité. Ils m’ont dit ensuite que j’étais tutsi et ont emmené avec eux la fille avec qui j’étais. » Des exactions commises dans les coins reculés où habitaient ces réfugiés, mais qu’on ne retrouve pas à Goma. Les jeunes venus avec leurs familles, eux, disent craindre d’être enrôlés dans les groupes armés. Ces nouveaux venus dans les camps s’ajoutent aux quelque 15 000 réfugiés congolais abrités dans le camp de Kiziba, à l’Ouest et de Gihembe, au Nord depuis 1997.

Un général pourchassé

Cette recrudescence de l’insécurité dans les territoires de Masisi, Walikale et Rutshuru, peuplé en grande partie de Congolais rwandophones, met à mal le fragile redémarrage économique de la région permis par la paix. « Terminator », le général Ntaganda est visé depuis 2006 par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour enrôlement d’enfants pendant la guerre civile en Ituri (2002-2003). Le procureur de la CPI va demander un nouveau mandat d’arrêt pour des viols et des meurtres commis pendant qu’il était à la tête du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple), et après son intégration dans l’armée en 2009.

Ces dernières années, Jean-Bosco Ntaganda vivait sans entraves à Goma ou dans sa ferme du Masisi, protégé par le chef de l’État congolais. Il était devenu général dans l’armée congolaise, au sein de laquelle ses troupes, celles du CNDP, avaient été intégrées. Mais, début avril, craignant que leur chef soit lâché par le chef de l’État, Joseph Kabila, ses soldats ont repris les armes contre l’armée congolaise.
Actuellement Bosco Ntaganda est en fuite et des échanges de tirs nourris ont eu lieu les 6 et 7 mai entre l’armée loyaliste et ses hommes. Cent quarante-deux Ong congolaises et internationales demandent une intervention diplomatique américaine pour procéder à son arrestation avec le soutien de la Monusco. En évitant aussi que le gouvernement rwandais ne lui donne asile.

Nord-Kivu : Les déplacés affluent à Goma

La situation sécuritaire et humanitaire s’aggrave dans la province du Nord-Kivu, à la suite de la recrudescence des affrontements entre les FARDC (Forces armées de la République démocratique du Congo) et des militaires déserteurs fidèles au général Bosco Ntaganda, recherché par la Cour pénale internationale (CPI) ainsi que des rebelles de l’APCLS (Armée patriotique pour un Congo libre et souverain).

Les habitants qui fuient leurs villages se concentrent dans les périphéries de la ville de Goma, ainsi qu’à Gisenyi, au Rwanda. « Les déplacés viennent de tous les coins, personne ne les enregistre ; d’autres sont arrivés dans les familles d’accueil et il est difficile de pouvoir faire quelque chose pour eux à ce stade », signale un chef de quartier de Goma. Les chiffres sont confus. Certaines sources parlent de 900 ménages qui seraient recensés par les agents du gouvernorat. Le porte-parole du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) a déclaré vendredi dernier à radio Okapi que « plus de 3 000 ménages, c’est-à-dire autour de 15 000 personnes, ont été signalés lors de la première phase de dénombrement de déplacés », entre le 29 avril et le 2 mai. Ces déplacés sont installés sur plusieurs sites à Mungunga, à une dizaine de kilomètres à l’ouest de Goma.

Les déplacés viennent des territoires de Masisi, Walikale et Rutshuru. « Ces ménages de déplacés recensés par le comité provincial seront momentanément orientés vers un camp en attendant le retour de la paix dans leurs zones d’origine », a déclaré Julien Paluku, gouverneur de la province du Nord-Kivu. Les déplacés croupissent dans une misère noire, ce qui pousse à la compassion certains habitants. « Avec ma famille, nous avons collecté une quantité importante de riz, du sel, des haricots, des biscuits, des gobelets en plastique, du savon en poudre, et en cubes pour soulager tant soit peu cette souffrance », témoigne par exemple Nafisa Ramazani. Vingt tonnes de vivres ont déjà été apportés par le gouvernement de la province du Nord-Kivu. Et l’assistance humanitaire est en train de s’organiser.

Par Fulgence Niyonagize, Alain Wandimoyi

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
Veuillez entrer votre nom ici