Produits piratés, entre convoitise et déception en RDC

A Goma, les commerçants importent des produits de grandes marques contrefaits et souvent de mauvaise qualité. Peu chers, ils sont à la portée de tous… mais durent peu. Les autorités ont décidé de sévir contre ces contrefaçons illégales.

(Syfia Grands-Lacs/Rd Congo)

« Dans mon lot d’ordinateurs, ceux de la marque Toshiba originale vendus 900$ côtoient ceux d’une version similaire à 300$ », reconnaît avec aplomb Médard Asumani, un fournisseur de produits de bureautique importés d’Asie. La contrefaçon est devenue lucrative. Mais ces produits piratés, importés d’Orient ou d’Asie, sont de mauvaise qualité.

Dans son rapport du 1er mai, Bernard Mbusa, chef de division provinciale de la Fédération des entreprises du Congo (FEC) au Nord-Kivu, précise qu’une vingtaine de revendeurs ont connu des pertes au cours du dernier trimestre pour avoir acheté des produits contrefaits : « Pendant l’essai, soixante de la centaine de téléviseurs plasmas se sont court-circuités », se désole le patron d’un des magasins du quartier populaire de Birere lors d’une déposition faite contre son fournisseur au parquet du Tribunal de grande instance de Goma.

Cependant, « la contrefaçon reste illégale devant la loi congolaise », rappelle maître Faustin Mutabesha.

C’est pourquoi, depuis le mois d’avril, le bureau provincial de commerce extérieur, en synergie avec l’Office national de contrôle, a lancé une campagne judiciaire en vue de contrôler et de lutter efficacement contre ce trafic des importateurs : « Une dizaine ont déjà été condamnés et d’autres cas sont devant le juge », souligne Kakule Mwanawavene, chef de division provinciale de commerce extérieur.

Solder pour éviter le contrôle

Ces importateurs, surnommés « chinois », « indiens » ou « italiens » selon l’origine de la marchandise qu’ils ramènent, ne se préoccupent pas de la qualité : seule compte la quantité qu’ils pourront écouler au moindre coût, pour faire plus de bénéfice. Afin d’attirer la clientèle, et pour justifier les prix bas, ils inscrivent en gros le mot « soldes » à l’entrée de leurs établissements.

Dans ces boutiques, on brade le plus vite possible pour passer entre les mailles du contrôle des agents de l’État. L’imagination est débridée : à partir d’articles originaux rares et chers, tels des souliers en cuir de marque italienne coûtant 150 $, des variantes en simili-cuir, de forme similaire mais différente, ne cessent de voir le jour pour 50 $.

Ramazani Akili, propriétaire du magasin Alitalia Moda, explique que son « concepteur apporte quelques modifications au produit original. Ce qui évite de payer les droits d’auteur exigés à l’usine ».

Les consommateurs se sentent souvent lésés quand ils achètent les produits piratés : ils doivent vite racheter un produit similaire…. « Je continue à utiliser mon groupe électrogène Yamaha première qualité que j’avais achetée à 100$ il y a deux ans », commente un usager à l’adresse à son voisin déçu d’avoir acheté la même marque à 50$ : le groupe ne cesse de tomber en panne trois mois après l’achat.

Améliorer la qualité

Mais certains de ces importateurs cherchent la satisfaction de la clientèle. Ils ramènent parfois des produits, certes contrefaits, mais pas de trop mauvaise qualité. « J’ai sollicité, auprès de mon fabricant, la marque Lion dans une version plus adaptée aux pierres volcaniques de la ville : la version asiatique ne tenait pas le coup », explique Kasongo Matabishi, un fournisseur de pneus importés de Dubaï, ville du nord-est de la côte des Émirats arabes unis. Paradoxalement, les contrefacteurs gagnent alors à améliorer leurs produits.

Malgré tout, beaucoup n’ont pas le choix : « Avec mon revenu faible, je ne pouvais pas m’acheter une moto originale, mais grâce aux fournisseurs comme Palos, Kinshop… qui importent ces engins, je m’en suis procuré une à 580$  » relate un enseignant, qui lorgnait sur une moto Yamaha à 2000 dollars.

Par ailleurs, certains clients, surtout ceux des milieux ruraux, s’y retrouvent quand ces fournisseurs importent des « marques locales » qui viennent elles aussi de… Chine ! Mais au lieu de ramener au pays des habits calqués sur les modèles de grands couturiers européens ou japonais, re-griffés « Calvin Clair » ou « Yoshi Yama Moto », ils demandent que soient placés sur les habits quelques portraits des musiciens congolais comme Papa Wemba ou Koffi Olomide… « Mes clients préfèrent acheter des pantalons et T-shirts où sont imprimés les stars de la rumba congolaise », constate un commerçant de la cité de Sake à 27 km de Goma. L’aura des marques étrangères a des limites.

Par Mustapha Mulonda

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