Retour d’Amazigh Kateb et de Gnawa Diffusion en Algérie (et en studio…)

Après cinq ans d’absence de la scène algérienne et une pause, le public a eu le plaisir de retrouver son groupe, Gnawa Diffusion, dans un concert énorme de trois heures, à Alger. Rencontre avec un des personnages les plus représentatifs et emblématiques de cette génération Gnawi.

Vers trois heures du matin, à la fin du concert, où le public chantait en chœur toutes les chansons avec le groupe, il a été possible de discuter avec Amazigh Kateb, dans une sorte de conférence de presse plutôt sympathique et conviviale.

C’est un homme souriant et énergique qui a répondu à nos questions. Avec lui, nous avons d’abord abordé le sujet de la reconstruction du groupe et l’idée de retravailler à nouveau avec la formation de Gnawa diffusion.

Crédit photo : Sino

Comment s’est amorcé la reconstruction du groupe

Durant ma dernière tournée en solo, Marchez noir, certains musiciens m’ont rejoint. Ce fut la marque de la reprise de Gnawa Diffusion. C’était il y a à peu près un an. Finalement, sur les morceaux que j’avais faits en solo, ça sonnait presque comme Gnawa Diffusion. Du coup, cela nous a redonné envie de rejouer ensemble.

Il y avait également de la matière commune qu’on avait envie d’exploiter et de retravailler. On s’est remis donc au travail sur un nouvel album qui sortira prochainement.

Si les échéances sont respectées, l’album sortira le 17 octobre en France. En Algérie, nous n’avons pas encore la date, mais ce serait pas mal qu’il sorte le même jour. Le 17 octobre, C’est une date symbolique. C’est également la date à laquelle j’ai sorti mon album solo. Le 17 octobre, c’est aussi la date où on a jeté des Algériens dans la Seine. C’est une belle date pour monter sur scène.

Cinq ans de séparation, qu’est-ce que cela a apportée à  Gnawa Diffusion?

Je pense que les musiciens ont fait des progrès. Il y a de nouvelles choses qui apparaissent dans leur  jeu. Après cinq ans j’ai écrit avec El Wahsh et El Chouk (le manque et la passion).

Vers fin 2007, j’étais usé, fatigué après quinze ans avec Gnawa Diffusion. J’ai enfin retrouvé le plaisir de composer pour huit ou même dix personnes puisque sur mon album solo j’ai dû me retenir un peu : je n’avais pas une si grande équipe je me retrouvais donc à composer pour trois ou quatre personnes, voir une personne!

Mais au fond, c’est bien Gnawa qui m’a donné envie de me lancer dans mon histoire solo, puis durant mon parcours individuel à un moment j’en ai eu marre d’être tout seul et j’avais envie de retourner dans le collectif…. C’est un peu comme la famille, on l’aime, mais on ne peut pas rester avec tout le temps, sinon on étouffe… je pense que nous avons bien fait de faire cette pause.

Des thèmes et des revendications politiques et sociales sur le nouvel album ?

Il y a pas mal de choses dans cet opus. Il y a des chansons revendicatives plus que d’autres. L’album se veut aux couleurs de l’insurrection, de la désobéissance civile, de la révolution continue et permanente et non le printemps arabe comme se plaisent à [dire] certains journalistes.

Ces derniers parlent beaucoup du Printemps arabe. Ils contribuent finalement à galvauder un terme médiatique creux, qui ne veut rien dire.

« La révolution ce n’est pas au printemps, et le printemps n’est pas arabe, il est international, et la révolution aussi »

La révolution n’est pas finie.  La seule révolution qui doit compter, c’est celle qui fait que les peuples se rejoignent dans une route qui n’est pas la route de la servitude et de l’esclavage.

Et puis il y a Malika! La chanson Malika Moutahadjiba qui en fait est en deux chansons. Elle commence par Malika Bomba et puis Malika Moutahadjiba. La première parle de Malika, quand elle vivait en faisant les mêmes choses que toute la jeunesse fait… en cachette!

Puis Malika est devenue Moutahadjiba et a commencé à voir une incompatibilité entre l’amour et Dieu.

« Aimer Dieu ne veut pas dire détester l’amour ou ne pas faire l’amour. Je voudrais m’adresser à toutes les moutahadjibates pour leur dire qu’on les aime et qu’on ne veut pas les perdre. On voudrait qu’elles restent à côté de nous. Matba’adoush Bezzaf (rire) »

Cette chanson traite de la jeunesse frustrée dans sa vie sentimentale et sexuelle qui accumule les frustrations jusqu’à ce que le tout devient incompatible.

Une prétournée avant le lancement?

Ça pourrait se faire, mais rien n’est sûr, je l’annoncerai si cela se confirme. L’Algérie est une escale importante pour la tournée du prochain album. Le public algérien comprend le message de mes chansons à 100 % et c’est la différence avec un autre public. Il y a quelque chose de très argotique dans nos chansons et seule la jeunesse qui ne va pas chez le boulanger ne les comprend pas… mais cette jeunesse habituellement ne vient pas au concert (rire) !

Cinquante ans d’indépendance de l’Algérie, vous en pensez quoi?

Quand je regarde les quinze dernières années, je n’ai pas l’impression que les Algériens aient vécu une indépendance florissante. Je dirais que c’est le cinquantenaire de la remise en question. En tant qu’Algérien, j’en suis à un constat d’amertume!

Je vois bien que mon peuple n’est pas arrivé à ce à quoi il aspirait. Je pense qu’au lendemain de l’indépendance, il y avait une grande sincérité chez les Algériens qui a été détruite.

Aujourd’hui, un Algérien vous dit : « Si tu peux partir part! Ghir Rouh! » ou aussi « si tu es déjà loin, ne revient pas »! C’est une indépendance historique non réelle, c’est l’indépendance d’un état et non d’un peuple. Le peuple de cet État est réprimé et écrasé. Il y a beaucoup à dire sur l’indépendance de ces cinquante ans !

Par Rosa Hamadouche

Pour en savoir plus :

– Gnawa Diffusion à Nuits d’Afrique 2012

La page Myspace du groupe

La page Facebook

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