RDC : des jeunes retournent cultiver au village

Des jeunes de Beni quittent la ville pour se lancer dans l’agriculture, attirés par les tracteurs qui permettent de planter de vastes champs et encadrés par des associations paysannes. Ils s’en trouvent très satisfaits et la production agricole de la région augmente fortement.

Syfia International

Aux petites heures de la matinée de ce premier mercredi de septembre, le soleil se lève, John Kasongo Muhiwa, conducteur de tracteur de la Coopérative centrale du Nord-Kivu, débroussaille, laboure et enlève les herbes sauvages sur les deux hectares prévus pour planter des arachides et du maïs. Debout, une vingtaine de jeunes dont la plupart sont venus de la ville attendent en file indienne leur tour, car cet engin sert à chacun à tour de rôle.

Sur la nationale numéro 4 récemment asphaltée qui relie le Nord-Kivu à la Province-Orientale, Jean Marie Masinda, agronome du Syndicat de défense des intérêts de paysans (Sydip) supervise les champs d’un groupe de jeunes qui ont adhéré à cette association. Reddy Muhila, l’un d’eux, vit dans un village à l’est de Beni.

Comme ces collègues qui ont refusé de danser pour les politiques ou de quémander un verre d’alcool dans la cité, ce garçon de 26 ans possède un vaste champ dans lequel il a planté le riz, maïs, manioc et quelques tiges de papaïnes. « Tout a changé dans ma vie. Avant, j’étais obsédé par l’idée de repartir mais maintenant, je gère une boutique à moi. Je gagne 60 à 70$ par sac de riz et je paie facilement les soins médicaux de mes enfants. J’ai même construit une maison en dur à coté de mon champ », s’amuse-t-il.

Exode urbain

Avec le retour de la sécurité dans certaines agglomérations, des jeunes qui avaient fui dans les centres urbains notamment à Oicha, Beni et vers Butembo retournent pour faire de l’agriculture. Certains villages du territoire de Beni ont vite grossi durant les deux dernières années. « C’est une véritable migration de la ville vers des campagnes. C’est intéressant qu’ils soient nombreux à faire les champs », apprécie Bozzi Sindiwako, chef de collectivité de Rwenzori, une localité dans laquelle de nombreux jeunes possèdent des champs de papaïnes, manioc, paddy, bananes….

Longtemps victimes d’une absence de politique agricole, les paysans de cette contrée se mettent à pratiquer des techniques agricoles modernes. Du coup, des jeunes ruraux envahissent les campagnes. D’autres sollicitent des champs auprès des chefs coutumiers. Des associations des agriculteurs se lancent dans la danse. Elles acquièrent d’anciens champs et les mettent à la disposition des nouveaux occupants.

Comme en témoigne Mbusa Nziteghi, propriétaire d’une plantation à Ngite, « nous avons eu l’autorisation de planter dans cette concession pour deux saisons culturales grâce à la Ligue de femmes paysannes qui a pris l’engagement pour nous. Pour cette saison, j’ai récolté plus de deux tonnes de paddy ». Dans ces champs, les paysans utilisent aussi des intrants, engrais et semences améliorées.

Les agronomes de service public de l’agriculture, des syndicats de paysans et de l’Office national du café viennent à leur rescousse. Ce qui entraine un boom agricole dans les villages. « Nous enregistrons des dizaines de véhicules de marque FUSO qui chargent les sacs de haricots et d’arachides à destination de Kisangani », constate Moise Mbafumoja, un agent du service de l’Economie à l’est de Beni.

Tracteurs bien gérés par les associations

Fin 2009, le gouvernement a donné aux provinces une centaine de tracteurs et des vaches. Ce programme s’inscrivait dans la campagne agricole 2010-2012. D’après le rapport du ministère de l’Agriculture, ces tracteurs de près de 60 chevaux peuvent labourer plusieurs hectares par jour. A Beni, ces machines ont été confiées aux associations et syndicats des paysans bien organisés.

Depuis leur arrivée, des associations, Eglises et Ong se bousculent pour les utiliser. Les membres de ces mutualités contribuent en carburant et en entretien. Selon l’agronome Bwanakazi Mukawa, pour un hectare, le demandeur achète 30 litres de gasoil et paie une somme de 10$, et à la récolte, le bénéficiaire contribue à hauteur d’un sac de maïs ou arachide.

Entre eux, les syndicats font la police et s’organisent bien. « Nous venons de lancer la mobilisation pour la création d’un fonds paysan auprès de bailleurs. Nous tenons à l’aboutissement de cette démarche car notre objectif est d’acheter des tracteurs à chenilles capables de s’adapter aux terrains accidentés et sablonneux », révèle, Françoise Kabindo, déléguée nationale des mamans agricultrices membres du Sydip.

Par Jacques Kikuni Kokonyange

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