Rwanda : les prostituées décimées par le sida

Les prostituées rwandaises souvent contraintes à des relations sexuelles non protégées sont les premières victimes du sida. Craignant les rigueurs de la loi qui les poussent souvent à la clandestinité, elles ne peuvent pas faire valoir leurs droits.

Aujourd’hui, plus de la moitié des professionnelles rwandaises du vieux métier du monde sont infectées par le VIH/Sida, selon une étude publiée en septembre par le Rwanda Biomedical Centre (RBC), un centre chargé du traitement des infections sexuellement transmissibles.

Le Rwanda a commémoré la Journée mondiale du sida, le 1er décembre 2012.

En moyenne nationale, il n’est en revanche que de 3 % dans la population âgée de 15 et 49 ans. Au Rwanda, on compterait près de 16 000 femmes prostituées connues comme telles et de très nombreuses clandestines. Le taux de prévalence le plus élevé reste dans la ville de Kigali où 56% des prostituées sont infectées, alors que dans la province de l’est elles sont 33%.

Pour le Dr Sabin Nsanzimana, responsable du département des soins de RBC, la haute prévalence du VIH/Sida chez les prostituées est due à des relations sexuelles qu’elles ont souvent du mal à protéger.

« Quand une prostituée se présente dans une boutique pour acheter un préservatif, elle est mal vue par l’entourage. Ainsi, souvent les prostituées finissent par des relations sans protection », explique une femme qui vend son corps à Remera, ville de Kigali. « Quelquefois, les hommes proposent plus d’argent pour des relations sans capote. Puisqu’on est à la recherche de l’argent, on ne peut pas refuser », ajoute-t-elle.

Courtoisie : OMS

La prostitution reste illégale au Rwanda. Le code pénal rwandais sanctionne les différentes formes de prostitution d’un emprisonnement allant de trois mois à sept ans et d’une amende maximale de 5 millions de Frw (près de 8200 $). Les femmes se cachent pour exercer ce métier. « Comme la prostitution est combattue au Rwanda, les femmes qui en vivent sont obligées de s’exporter vers les pays voisins, surtout en Ouganda et au Burundi », témoigne cet activiste des droits de l’homme. Selon lui, de très nombreuses prostituées traversent la frontière pendant les week-ends et rentrent en début de la semaine. « De l’autre côté, elles exercent leur travail sexuel sans aucun souci d’être reconnues », constate-t-il.

Prostitution choisie ou contrainte

Dans leur pays même, en revanche, rares sont celles qui se déclarent ouvertement. Celles qui se reconnaissent professionnelles du sexe estiment ainsi qu’une grande partie de leurs camarades travaillent dans la clandestinité. Parmi elles, de nombreuses fonctionnaires et étudiantes. Une étude menée par Transparency-Rwanda, publiée début octobre 2012, révèle aussi que la corruption basée sur le genre est largement répandue sur le lieu de travail. Les résultats de cette étude montrent que 43,3% des femmes à la recherche d’un emploi et 29,10% des femmes ou filles secrétaires sont obligées de se donner à leurs patrons sur leur lieu de travail.

D’autres femmes viennent nombreuses le soir dans les hôtels et boîtes de nuit pour chercher des clients. « Les responsables des hôtels ont des longues listes des noms avec des photos et contacts des prostituées clandestines qu’ils proposent aux clients qui en font la demande », témoigne Jolie de Gikondo. « Travailler dans la clandestinité nous cause beaucoup de pertes, confie pourtant une femme de Gasabo. Nos clients souvent refusent de nous payer et nous ne savons pas comment revendiquer nos droits car nous ne sommes pas reconnues par la loi. »

Légaliser la prostitution pour sauver des vies

Pour certains Rwandais, dont une partie des prostituées, il vaudrait mieux officialiser la prostitution pour limiter les maladies sexuellement transmissibles, dont le VIH.

« C’est un métier comme les autres; il faut nous laisser travailler et y mettre un peu d’ordre. Par exemple, nous donner des cartes, nous examiner régulièrement, accepter qu’on paie les taxes comme les autres personnes qui font du commerce, etc., car on ne peut pas éradiquer la prostitution complètement », estime une femme de Matimba, l’un des quartiers de Kigali abritant beaucoup de prostituées.

Une position pour l’instant à rebours de la culture rwandaise et de la loi. Pour le Dr Aphrodis Kagaba, Directeur de Health Development Initiative (HDI), « légaliser le vieux métier du monde pourrait aider les pratiquants à sortir de l’isolement, et à lutter pour leurs droits ».

Par Fanny Kaneza

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