Rwanda : les banques rwandaises avares de crédits

Les coupes dans l’aide internationale et la baisse du budget de l’État commencent à se faire sentir chez les Rwandais. Ces derniers peinent aujourd’hui à obtenir des crédits dans les banques publiques. Certains se rabattent vers les institutions privées. D’autres gardent leur argent à la maison.

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« Depuis environ trois mois, des Rwandais se plaignent de ne plus accéder aussi facilement aux prêts dans la plupart des banques publiques ou semi-publiques. « J’ai dû stopper toutes mes activités par manque de crédit. Mon dossier traîne depuis deux mois et demi alors qu’avant, j’obtenais ce même service en deux semaines… En attendant, je ne peux pas dédouaner ma marchandise et je paie les frais d’entreposage », se plaint une femme entrepreneur de Kigali.

Banque_postale_GisenyiMême déconvenue pour ce commerçant à Muhanga, au centre du pays : « Quand tu complètes le dossier de prêt, on te demande d’attendre plusieurs mois. » Une enseignante du Nord affirme, elle, que même la coopérative d’épargne et crédit des enseignants, fondée par l’État, a annoncé à ses clients qu’aucune avance sur salaire ne serait cette fois ci donnée avant mars prochain. D’ordinaire, les fonctionnaires l’obtiennent pourtant facilement.

Selon un agent d’une banque locale, la Banque Nationale du Rwanda aurait ordonné aux banques dont l’État est actionnaire de ne plus octroyer de crédits jusqu’en mars 2013. Une directive imposée à la suite du gel des aides budgétaires de nombreux bailleurs, convaincus du soutien apporté par le Rwanda à la rébellion du M23 en RD Congo. Pour l’année budgétaire 2012-2013, les aides extérieures représentent 46 % du budget de l’État.

À force de piocher dans ses réserves, ce dernier craindrait donc de manquer de liquidités de secours dans les banques publiques au moment où il risque d’en avoir le plus besoin… Toutefois, le ministre des Finances, John Rwangombwa, a récemment affirmé devant la presse qu’aucune directive visant à limiter les crédits aux clients n’avait été donnée.

 »Nous voulons la vérité »

Selon Aimable Mararungu, agent de la Banque populaire, la plus ancienne du Rwanda et présente même en milieu rural, la baisse des crédits n’a rien à voir avec les coupes dans l’aide internationale. Pour lui, cet arrêt temporaire serait dû à la priorité donnée au recouvrement des fonds déjà octroyés aux clients.

banque_RwamdaDe son côté, la Banque de Kigali, a annoncé il y a deux semaines dans une conférence de presse qu’elle continuait à donner des crédits contrairement à ce que croient certains de ses clients.

Ce que contestent plusieurs d’entre eux, comme ce conducteur de taxi moto :  »J’ai sollicité une somme de 2 millions de Frw (3 000 $) pour acheter une moto neuve. Cela fait un mois et demi… Avant, pour avoir un tel service, cela ne durait qu’une semaine ». Une femme d’affaires de Kigali regrette, elle, le fait qu’elle est en train de perdre un marché de fournitures de bureau, car elle n’a eu que la moitié du montant demandé à sa banque.

Banque_kigaliFace à ces obstacles, certains décident de ne plus épargner et gardent désormais leur argent à la maison. D’autres le mettent dans des banques et coopératives d’épargne et crédit privées qui, elles, continuent à allouer des prêts.

Un commerçant à Musanze (Nord), confie : « A un moment, j’ai cru que ma banque avait fait faillite, car elle ne donnait plus de crédit. Depuis, j’ai arrêté d’épargner. Je garde mon argent à la maison en attendant. » Chantal, fonctionnaire d’État, a elle décidé d’aller dans une banque privée.

Pour fidéliser leurs clients et garder en caisse leur argent, les banques publiques et semi-publiques multiplient actuellement les annonces publicitaires. Certaines offrent même des prix par un système de tombolas à ceux qui épargnent plus de 100 000 Frw (160 $) par semaine. Bon nombre de clients restent méfiants. A l’image de ce garagiste de Kigali, qui pense que les banques ne jouent pas franc jeu avec eux :  »Nous voulons la vérité. S’il n’y a pas assez d’argent, elles devraient l’avouer. Comme ça, nous saurions comment nous organiser en conséquence. »

Par Solange Ayanone

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