Brazzaville : les séropositives analphabètes suivent mieux leur traitement

Conseillées par diverses associations, les Brazzavilloises analphabètes séropositives suivent généralement mieux leur traitement que les femmes lettrées. Ces dernières ont davantage tendance à se replier sur elles-mêmes.

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« J’ai demandé aux enfants de régler la sonnerie de la pendule à mes heures de prises de médicaments : le matin à 8 heures et le soir à 20 heures. Je ne peux pas sortir de chez moi à ces heures sans prendre mon traitement« , explique à ses consœurs malades Auguy*, la quarantaine, analphabète et séropositive depuis 2004.

Auguy, comme une soixantaine d’autres femmes, partage son expérience lors d’échanges interactifs organisés une fois par semaine par l’association Aide de Vie (A2V), sur le site de l’Eglise évangélique du Congo (EEC), dans le 2e arrondissement de Brazzaville. « J’observe le traitement, car je veux voir grandir mes petits-fils que je garde en absence de leur mère. J’ai peur de les quitter si je ne prends pas correctement mes médicaments« , confie encore Auguy.

Sida-Photo-OMS-02Au Congo, les analphabètes sont nombreuses à utiliser des moyens simples pour se souvenir des heures de leur prise de traitement.

Une autre séropositive, âgée de 75 ans, qui a requis l’anonymat, se réfère quant à elle à l’horloge de l’église : « Lorsqu’elle sonne à 5 heures du matin, je prends ma première prise. La sonnerie du soir, à 17 heures, correspond à l’heure de la sortie des élèves des classes. »

Eric Zinga, président d’A2V, précise : « Au cours des groupes de parole entre séropositives, nous leur parlons, entre autres, de la manière de vivre avec le VIH/Sida ». Des discussions selon lui libératrices, puisqu’il observe un changement de comportement. « Pendant les échanges, nous sommes informées de toujours prendre les médicaments à des heures fixes pour ne pas donner de force au virus. Dès le réveil matinal, chacune de nous doit mettre sur sa table de chevet deux comprimés, pour les avoir en évidence », résume une participante à ces échanges.

« Peur d’être rejetées« 

Résultat, selon Emeraude Bonheur, chargée de la prise en charge au sein d’A2V, les analphabètes séropositives observent mieux leur traitement que les séropositives lettrées : « Les femmes instruites oublient parfois le jour du rendez-vous. Elles nous disent qu’elles étaient ‘occupées’ ou ‘en réunion’. Elles ont peur d’être rejetées et se replient sur elles-mêmes, ce qui freine l’observance thérapeutique. »

De leur coté, les 45 membres (dont 4/5 sont analphabètes) de l’Association Femmes Plus du Congo (AFPC) utilisent des montres-bracelets réglés à des heures précises pour la prise des médicaments plutôt que des méthodes ‘traditionnelles’. « Le coq peut aussi se tromper d’heure ! Cette façon de faire n’est donc pas très fiable… Bien qu’analphabètes, avec l’habitude, les femmes observent le sens des aiguilles de la montre et s’y retrouvent« , indique Blandine Sita. La présidente de l’AFPC a elle aussi plus de mal à fidéliser les intellectuelles : « Elles se disent instruites et ont peur d’élargir le cercle de ceux qui connaissent leur état sérologique. Il n’y a pas un être aussi orgueilleux que la femme ! Celles qui subissent des échecs thérapeutiques ne reviennent plus… »

Sida-Photo-OMSLe Réseau national des positifs du Congo (RENAPC), une plateforme de 25 associations des personnes vivant avec le VIH/Sida, observe cette même attitude : « Les intellectuelles pensent mieux connaître leur maladie que les analphabètes. Elles ne viennent pas aux groupes de parole« , remarque Benoit Moudi. Directeur exécutif de ce réseau, il reste toutefois persuadé que « la plus grande éducation thérapeutique passe par les associations« , ces dernières étant « au milieu des populations. »

Une Enquête de séroprévalence et sur les indicateurs du sida au Congo, menée en 2009 par le Centre national de la statistique et des études économiques (CNSEE) en collaboration avec le Laboratoire national de santé publique (LNSP) semble confirmer ces impressions de terrain. Elle révèle que la séroprévalence est nettement plus élevée parmi les femmes ayant fréquenté l’école (5,3 %) que chez celles qui n’y ont jamais été (3,6%).

Par Flore Michele Makoumbou

Photo: OMS

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