Kalakuta Republik: reproduction du shrine de Fela en terre nordique

Présenté pour la première fois à Montréal au FTA, le spectacle Kalakuta Republik a été chaudement acclamé à la fin de la première représentation. Et pour cause, malgré le temps maussade qui régnait, la troupe de Serge Aimé Coulibaly a transformé la salle du Monument national en shrine, ce club dans lequel Fela aimait tant s’amuser.

Spectacle de danse hybride et loin des clichés habituels, Kalakuta Republik rend hommage au père de l’afrobeat, le Nigérian Fela Ransome-Kuti, qui ne ratait jamais une occasion de sombrer en pleine extase musicale, sur scène, un peu comme en transe.

C’est aussi ce que réussit avec brio le danseur et chorégraphe burkinabé Serge Aimé Coulibaly. Pendant 1h30, entracte compris, les spectateurs assistent médusés à plusieurs tableaux dans lesquels ce dernier et ses cinq acolytes (trois femmes et deux hommes) ne s’arrêtent (presque) jamais. Et pourtant, problème de visa oblige, il manquait un danseur et un régisseur lumière.

N’empêche, la fête était belle et il n y avait pas le temps de s’ennuyer.

Marion Alzieu, Ida Faho, Antonia Naouele, Adonis Nebié, Sayouba Sigué et Serge Aimé Coulibaly sautent, bougent, s’entraînent les uns les autres, se déshabillent, se rhabillent, s’asseyent, se couchent, se lèvent, sautent, s’enduisent de poudre, se lancent des chaises, se disent des choses, aussi bien sensuellement que violemment, avec douceur comme avec une énergie jouissive.

En filigrane de tout le spectacle, les thèmes chers au musicien et militant Fela défilent sans qu’on s’en rende vraiment compte: lutte contre la corruption, contre les inégalités et pour la démocratie.

Pourquoi Kalakuta Republic ? Parce que Fela avait donné ce nom à sa demeure, située dans la banlieue de Lagos. Elle se voulait indépendante, mais l’histoire n’est pas joyeuse. «La propriété est entièrement rasée dans un raid militaire au cours de laquelle sa mère, âgée de 78 ans, est défenestrée.» Le nom du général et président de l’époque, Olusegun Obasanjo, est d’ailleurs entendu à quelques reprises pendant le spectacle.

Kalakuta Republic, une création chorégraphique de Serge Aimé Coulibaly.

Fela, fils d’un pasteur et d’une politicienne, a étudié à Londres, mais c’est aux États-Unis qu’il a grandi musicalement, créant le style afrobeat, une fusion du jazz, du funk, du soul, de musique traditionnelle yorouba et du high-life du Ghana.

L’œuvre de Serge Aimé Coulibaly respire aussi le Burkina et son atmosphère des grandes luttes, aussi bien celles de la révolution que préconisait Thomas Sankara (qu’admirait Fela), que celle du balai citoyen qui a emporté le régime de Blaise Compaoré.

Le décor est assez minimaliste, composé de chaises et de tables, d’une caisse, d’un tapis, d’un canapé, et de deux grands tableaux à l’arrière sur lequel apparaissent des textes et défilent des images ainsi que parfois des vidéos de Fela ou de scène de guerre.

La majorité du temps, c’est la musique (et à quelques rares moments les paroles) de Fela qui habille la représentation. Plusieurs apprécieront cette incursion dans son œuvre. D’autres, au contraire, seront comblés par les rares moments sans musique du spectacle. Il faut dire qu’ils permettent alors de donner une profondeur et une puissance aux mouvements sublimissimes des six acteurs/danseurs.

C’est sans contredit les deux derniers tableaux qui combleront les curieux. En l’occurrence la scène finale qui vaut la peine de ne pas être racontée dans ces lignes (souffrez-en!)

Avec son spectacle, Serge Aimé Coulibaly recrée une atmosphère du shrine de Fela, marijuana, alcools et autre dépravation en moins.

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