L’Afrique au Festival international de la bande dessinée

Dites-moi, vous devez faire de la bédé, non ? Je n’aimerais pas vous sembler trop indiscrète, mais… êtes-vous originaire du continent africain ? Parce que, je vois bien que vous êtes noir de peau, mais bon, on ne sait jamais. Voyez-vous, je ne m’intéresse qu’aux vrais gens d’Afrique pour mon article sur la bédé africaine.

Le cauchemar m’a réveillé. Je saute du lit, saisie par l’angoisse. Le train a dû partir sans moi. Il fait ça des fois. Le sans-cœur devait m’emmener au Festival international de la bande dessinée (FIBD). En fait non, le train part à 6h45 A.M. et il est seulement 2h23. Je replonge instantanément dans un pénible sommeil, baigné des doutes que je cultive depuis des semaines.

Les mêmes scrupules m’ont assailli lors de recherches pour un article sur la culture amérindienne. Comment aborder les gens avec un tel angle ? Pas celui de l’intérêt pour le travail, mais pour l’origine de son auteur.

Cette année à Angoulême, il y aura Fatoumata Diawara, mais je pense qu’elle chante mieux qu’elle ne dessine. Marguerite Abouet, la scénariste de bande dessinée d’origine ivoirienne (Aya de Yopougon, Akissi, Bienvenue), devrait être là, si tout va bien. Il y a aussi Afro-Bulles, mais leur site m’a quelque peu renfrognée. Que se cache-t-il derrière cette esthétique ?

Et surtout, pourquoi l’un de ses auteurs a choisi pour la couverture de son dernier album, « Vies volées« , de montrer une femme à genoux, tentant de cacher sa nudité ? Ses rondeurs débordent et si elle n’était pas presque nue, je jurerais qu’elle porte un push-up ! Dans ses grands yeux brillants, étonnés, lit-on le fantasme masculin de la femme sans défense ? Méfiance. Il me dira ça demain.

Débuts prometteurs

L’intérêt pour la bédé africaine se justifie en fait très facilement. Cette petite industrie culturelle peine à se développer, mais elle a du potentiel. Depuis une dizaine d’années, quelques auteurs se démènent pour favoriser la pratique, trouver un lectorat, développer des structures pour faire le nid de la culture de la bande dessinée en Afrique.

La bédé africaine avait même une place spéciale au festival d’Angoulême pour la 32e édition du festival, en 2005. Les choses ont-elles évoluées depuis ?

Parce qu’on lui attribuée un rôle pédagogique, de sensibilisation aux problèmes sanitaires ou encore de la violence faite aux femmes, elle bénéficie d’un peu d’attention de la part d’institutions internationales.

Mais les auteurs, eux, de quoi veulent-ils parler ? Auraient-ils des subventions s’ils osaient parler politique par exemple ?

Cette fois c’est l’heure. Mais aucun bond nerveux ne m’extrait du lit. Ma substance se déverse du futon, lentement dégouline vers la fenêtre pour voir se dessiner, charbonneux, les immeubles de Montmartre sur un fond d’aube à venir. Paris est déjà gribouillée, caricaturée, coloriée comme une BD. Ou bien je rêve encore.

Un chemin de croix

Tout à l’heure, des mascottes vont envahir la gare Montparnasse pour marquer le départ des participants depuis la capitale. Mon train part heureusement trop tôt pour que j’aie à affronter cette horde sauvage, ce flot d’expériences préfabriquées qui célèbrent le partenariat du FIBD avec la SNCF (la société des transports en commun).

C’est quoi d’ailleurs le FIBD ? Une grande foire marchande ?

Saint Hergé, Père de Dieu, priez pour mon sujet. Qu’à Angoulême, il y ait une place pour les auteurs africains qui peinent à trouver des maisons d’éditions pour financer leur travail (alors ne parlons pas de leurs déplacements). Que celui qui voit là charité chrétienne se flagelle cent fois avec des orties.

Les orties, ça remet les choses à leur place. Parce que c’est sérieux comme questionnement : La BD africaine a-t-elle une chance sur le marché international ?

Sur ce, lecteur, permet-moi de faire une petite sieste dans le train. Je te reviens très vite, avec des entrevues, des photos, des réponses (peut-être), et pour sûr beaucoup plus de questions.

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