Les Sénégalais retrouvent unité et fierté

Soulagés d’avoir retrouvé leur démocratie et leur unité, les Sénégalais placent des espoirs immenses en Macky Sall. Le nouveau chef de l’Etat a officiellement été investi ce lundi 2 avril à Dakar. La pluie fine d’hors saison tombée 24 heures après la proclamation de sa large victoire augure-t-elle de sa future réussite ?

Syfia Sénégal

Macky Sall a été officiellement investi quatrième président de la République, le 2 avril. Quelques jours plus tôt, dimanche 25 mars au soir, des milliers de Sénégalais s’étaient retrouvés dans les rues de la capitale pour fêter son incontestable victoire (plus de 65 % des suffrages) face au sortant Abdoulaye Wade.

Macky Sall (voir photo ci contre) avait aussitôt demandé à la foule venue l’acclamer devant son QG de tourner la page. Presque au même moment, les télévisions locales diffusaient en boucle la liesse populaire dans les rues de Fatick (150 km au sud-est de Dakar), sa ville natale.

Les Sénégalais sont fiers du déroulement apaisé de ce vote transparent, fruit de plusieurs facteurs. « La longue tradition de vote, une jeunesse ouverte au monde et de plus en plus exigeante, une presse libre et dynamique qui travaille sur les questions de citoyenneté et la pauvreté qui pousse à dire ‘Y en a marre’. La forte mobilisation autour de Macky Sall, renforce l’unité nationale autour de ces valeurs », analyse le sociologue Djibril Diakhaté, enseignant à l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar.

« Bien choisir ses hommes »

Les Sénégalais sont donc soulagés de voir leur démocratie préservée et de sortir sans heurts majeurs du règne d’Abdoulaye Wade, 86 ans. Cette issue favorable a pourtant pendant longtemps été incertaine… Au pouvoir depuis 2000, le président sortant avait en effet interprété de façon contestée la Constitution pour solliciter un troisième mandat et semblait vouloir imposer son fils Karim à la tête de l’Etat. Il s’en était suivi des manifestations et des violences qui avaient fait 15 morts ces dernières semaines. « Nous avons échappé à une crise politique majeure… », écrivait, soulagé, au lendemain des résultats, un éditorialiste de la presse quotidienne dakaroise.

Porté au pouvoir par la large coalition Bennoo Bokk Yakkar (Rassemblement des forces du changement) issu du M23 (Mouvement de l’opposition et de la société civile), le nouveau président, qui avait promis de ne pas dépasser 25 ministres contre une quarantaine dans le précédent gouvernement, aura toutefois du mal à satisfaire tous ses alliés.

« Macky doit faire attention à bien choisir ses hommes », prévient un Dakarois. D’autres font confiance au nouveau chef de l’Etat, qui, lors de sa campagne, a été parmi les signataires des Assises nationales, une charte de bonne gouvernance entre les partis d’opposition et la société civile. D’autres enfin, attendent le début des audits des responsables de l’ancien régime pour voir comment se concrétiseront ces bonnes intentions.

Pour le professeur d’histoire Ibrahima Thioub d’une université de Dakar, l’état de grâce ne devrait pas durer. De nombreux chantiers attendent en effet le nouveau président, notamment la reprise en main du système éducatif, paralysé ces derniers mois par la grève des enseignants. « Les étudiants attendent une concrétisation des promesses », déclare l’un d’eux à l’UCAD.

Optimiste, il signale la timide reprise des cours au lendemain des élections, à la suite de l’annonce de la suspension de la grève par le Syndicat autonome des enseignants du supérieur (Saes). Djibril Diop, un doctorant venu de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, met quand même des bémols sur les espérances de son camarade : « Je crains que Macky ne puisse réaliser rapidement ses engagements, car certaines des doléances du Saes (amphis fonctionnels, intégration des jeunes doctorants dans le corps professoral, etc.) sont difficiles à satisfaire au plan financier… »

« L’agriculture, un moteur du développement »

Dans un pays où le coût de la vie est tel que beaucoup de familles se limitent désormais à un repas par jour, baisser les prix des denrées de première nécessité (riz, huile, sucre, eau) était sans doute la promesse n°1 du candidat devenu président.

« Il doit honorer ses engagements et penser au panier de la ménagère ! », déclarait, dès dimanche soir, un fêtard de Dakar. Secrétaire exécutif de l’Ipar (Initiative prospective agricole et rural), un groupe de chercheurs indépendants, Cheikh Omar Bâ rappelle que Macky Sall, « considère l’agriculture comme un moteur du développement permettant de créer des industries et des PME. Il reste convaincu que les exploitations familiales rurales peuvent nourrir le Sénégal. »

Selon Cheikh Omar, le nouveau président compte débloquer des fonds qui « pourraient dépasser les 10 % des budgets nationaux à investir dans l’agriculture convenus en 2003 à Maputo (Mozambique) lors d’un sommet de l’Union africaine. » D’autant que, ajoute le Dr Daouda Diagne, un sociologue consultant, le tout nouveau président a le sens de la concertation avec le monde rural (70 % de la population). Par ailleurs « bien élu », il pourrait, selon lui, faire appel à la communauté internationale pour l’appuyer dans son combat contre l’insécurité alimentaire.

Sur quelque 13 millions de Sénégalais, un sur deux vit actuellement sous le seuil de pauvreté. Les jeunes (plus 60 % de la population) sont parmi les plus touchés par le chômage. Macky Sall, qui a travaillé patiemment, comme un laboureur préparant la saison des pluies, devra donc à présent rapidement satisfaire les attentes immenses placées en lui…

Par Madieng Seck

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