Kasaï-Oriental : la moustiquaire commence à imprégner les esprits

Malgré des débuts un peu chaotiques, les moustiquaires imprégnées commencent à produire leurs effets au Kasaï-Oriental. Même si certains sont encore tentés d’en faire des rideaux, des filets de pêche ou de football au mépris de leur santé et de celle de leur famille.

Syfia Grands-Lacs/RD Congo

Depuis six mois, des moustiquaires imprégnées d’insecticide à longue durée (MILD) ont été distribuées gratuitement dans la ville de Mbuji-Mayi par le gouvernement de la RDC, à travers le Programme national de lutte contre le paludisme en partenariat avec l’Association santé familiale (ASF).

Photo : Flickr

L’opération, qui a ensuite été étendue à l’ensemble de la province, a été saluée par toute la population du Kasaï oriental, qui l’attendait depuis de longs mois en raison des ravages du paludisme et de la sensibilisation qui l’avait précédée.

Selon Médecins sans frontières, cette maladie, première cause de mortalité en RDC, est en recrudescence et tue chaque année près de 300 000 enfants de moins de 5 ans. Elle contribue en outre à la pauvreté des familles en raison du coût souvent élevé des soins.

Mais à peine les moustiquaires distribuées et les élections terminées, des militaires ont sillonné les quartiers reculés de Mbuji-Mayi exigeant des habitants la restitution de la MILD ou le paiement de 10 000FC (11 $ par pièce) pour n’avoir pas voté en faveur du président sortant. « J’ai eu la visite d’hommes en tenue qui nous ont demandé de l’argent pour n’avoir pas voté pour le président », raconte une habitante de Tubondo, un de ces quartiers.

Conséquence : des centaines de moustiquaires ont été enterrées, restituées aux zones de santé ou encore remises aux chefs de quartier par les habitants par crainte de tomber dans les filets de ces hors la loi.

Le gouvernement provincial par le biais de son ministre de la Santé et de ses partenaires a demandé à la population de dénoncer toute menace de ce genre. La distribution de la MILD ayant malencontreusement coïncidé avec la période électorale, les autorités ont tenu à rappeler qu’elle s’inscrivait dans le cadre de la lutte contre le paludisme sur l’ensemble du pays. Ce que le chargé de la communication de l’ASF a d’ailleurs confirmé. Des politiciens avaient tenté de récupérer cette campagne à leur profit.

Mauvaise utilisation

Ces mises au point ont fourni l’occasion de rappeler à la population le mode d’emploi correct des moustiquaires qui doivent être placées au-dessus du lit la nuit. La MILD, détournée de sa fonction initiale, sert en effet de rideau, de filet de pêche, de drap de lit voire de filet de football… Dans le territoire de Miabi, à 45 km de Mbuji-Mayi, certains vont jusqu’à les revendre à 4 500 FC (5 $).

Une maman qui s’en sert comme rideau trouve que « dormir sous la moustiquaire étouffe » et que « placée devant une porte ou une fenêtre elle empêche les moustiques d’entrer dans la maison ». Des restaurants font de même, au grand regret de l’ASF et de ses partenaires. Agnès Mbuyi, qui tient un restaurant dans le territoire de Miabi, croit à tort comme d’autres femmes que les « MILD utilisées en rideaux aident à lutter contre les mouches et autres insectes vecteurs de maladies ».

Cette non- ou mauvaise utilisation est dangereuse car elle expose de nombreuses personnes aux piqûres de moustiques, vecteurs du paludisme.

Et pourtant elle sauve…

Une enquête de suivi intitulée Hang Up campaign, menée afin de vérifier si la MILD était ou non bien utilisée, a montré que dans plus de 85 % des ménages, la moustiquaire était correctement installée dans la maison. De nombreuses personnes s’étaient toutefois montrées réticentes à laisser les enquêteurs entrer chez elles pour des raisons d’intimité. « Il appartient au corps médical de dire si l’utilisation a eu un impact sur la prévalence du paludisme », estime le chargé de communication de l’ASF.

Photo : Flickr

Selon Pierre Omengenge, médecin coordonnateur de la lutte contre le paludisme du district sanitaire de Muena Ditu, à 135 km de Mbuji-Mayi, les rapports des formations sanitaires de ce district confirment déjà les effets positifs de l’utilisation de la MILD.

Bien que tous ne dorment pas sous la moustiquaire, une infirmière précise qu’à l’hôpital général de référence de Tshiamala, on n’a enregistré en six mois que près de 100 transfusions sanguines liées à la malaria contre 300 à 400 pendant une même période, l’année précédente.

Quant aux habitants de certains quartiers de Mbuji-Mayi, qui ont bien compris l’intérêt de la MILD, ils ne cachent pas leur enthousiasme. « Depuis que je dors sous la moustiquaire, se félicite Love Kapinga, une mère de famille, je n’ai plus de cloques sur mon corps dues aux piqûres de moustiques la nuit. »

Par Richard Kayembe Kasongo

1 COMMENTAIRE

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
Veuillez entrer votre nom ici