Burundi : les investisseurs sont attirés par les réformes, repoussés par la corruption

Au chapitre des réformes administratives pour faciliter la création des entreprises, le Burundi est dans le peloton de tête. Mais il est aussi presqu’en tête des pays les plus corrompus, en particulier de la grosse corruption touchant les marchés publics ce qui annihile, en partie, les efforts faits pour inciter les entreprises à investir dans le pays.

ierre Nkurunziza
Pierre Nkurunziza

« C’est inacceptable, Transparency International doit revoir sa copie et prendre en compte tous les efforts du Burundi dans la lutte contre la corruption », a déclaré, le 10 décembre, le chef de l’État burundais, Pierre Nkurunziza, lors de l’ouverture d’une semaine dédiée à la lutte contre la corruption.

Une vive réaction au rapport 2012 de cette très sérieuse Ong internationale sur l’indice de perception de la corruption (CPI). Celui-ci, qui classe le Burundi à la 165e place sur 174, derrière la RD Congo 160e et très loin du Rwanda classé 50e, a été ressenti comme une douche froide pour le gouvernement. Il venait à peine de se féliciter d’être classé comme « la 7e économie du monde qui, en 2012, a amélioré le climat des affaires de façon considérable » dans le rapport Doing Business, la Banque Mondiale.

Mais selon Léonidas Havyarimana, cadre au ministère chargé de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption, « au lieu de se lamenter et de s’en prendre à Transparency International, le gouvernement devrait prendre le taureau par les cornes en posant des actes concrets qui vont dans le sens de combattre la corruption, celle dont sont victimes les investisseurs et autres hommes d’affaires qui interagissent avec l’administration. »

Illuminée Niyakire, défenseur des droits économiques et sociaux, précise : « La corruption de haut vol implique des sommes faramineuses et se traduit par les marchés truqués, des avantages en espèces sonnantes et trébuchantes pour orienter le jugement, c’est cela qui fait baisser la cote du Burundi ».

« On note un haut niveau de corruption qui, parfois, implique les hautes autorités, en particulier pour les grands marchés, que ce soit dans le secteur minier ou dans la privatisation des entreprises publiques », complète Faustin Ndikumana, président d’une ONG locale et un des ardents défenseur de l’intégrité dans la gestion des affaires publiques. La loi est rarement respectée. »

transparency_international1C’est ainsi, par exemple, que les gros dossiers qui traînent aujourd’hui un relent de corruption sont notamment la concession du port de Bujumbura où le marché vient d’être gagné, à la surprise générale, par une société encore en cours de création…. Sans parler du trafic d’or ou d’autres minerais, notamment à l’Est du pays où de sérieux soupçons d’implications pèsent déjà sur certains hauts gradés de la police.

Des classements objectivement contradictoires

La petite corruption qui touche au quotidien les citoyens semble pourtant moins répandue que dans les autres pays d’Afrique de l’Est, le Burundi se classant 2e derrière le Rwanda par l’East African Bribery Index 2012. La police et la justice restent les deux secteurs les plus gangrénés par ce fléau.

Sur ce chapitre, les avancées cependant sont notoires. « C’est notamment dû aux efforts des organisations de la société civile ainsi qu’au tapage médiatique fait autour de la petite corruption, explique le Professeur Sévérin Nahayo. Le policier qui demande 2 $ pour laisser passer un chauffard est dénoncé sur place, il hésite le lendemain. Surpris en flagrant délit de demande de pot de vin, le juge du tribunal de résidence est puni, d’autres hésitent à en redemander, c’est ce qui fait monter la note ».

Paradoxalement aussi de nombreuses réformes ont été faites, comme le note la Banque mondiale, pour faciliter la venue d’investisseurs. « Désormais, rien qu’avec 30 $, on crée une entreprise en un seul jour, il en fallait beaucoup plus avant. Tout cela permet d’augmenter les recettes fiscales nationales et de créer de nouveaux emplois », se réjouit le 2e vice-président de la République, Gervais Rufyikiri.

En dépit de la persistance de quelques plaintes de commerçants, liées notamment à la lenteur observée au niveau des frontières, certaines avancées sont indiscutables. Notamment la création d’un guichet unique qui concentre tous les services en rapport avec la création d’une entreprise ou d’une société, la réduction du délai de raccordement à l’électricité (de 188 à 30 jours), la réduction des délais à l’export et à l’import, la suppression du monopole de la Régie nationale de l’eau (Regideso) dans la vente des transformateurs et autres équipements..

Des mesures qui séduisent certains investisseurs. « C’est vrai, l’environnement légal et réglementaire est plus rassurant qu’hier, nous attendons voir si les choses se déroulent comme prévu », réagit, Ayaz Ali Jivrai, président-directeur général d’Opulent Group, qui a décidé de construire à Bujumbura, un hôtel haut standing. ».

A la corruption qui est un frein majeur pour les investisseurs, s’ajoute la recrudescence de l’insécurité. Selon André Muhimpundi, économiste, « pour eux, rien n’est plus démotivant qu’une tension politique ou sociale qui menace de virer à une guerre larvée, à tout moment ». Faire des réformes c’est bien mais assurer la paix et la transparence des transactions reste la clef de voûte du développement économique.

Par Silvère Hicuburundi

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