Matadi : des veuves et héritiers recouvrent leurs droits

La sensibilisation des associations féminines à la protection de la famille et au règlement des successions commence à porter des fruits auprès des veuves et orphelins du Bas-Congo. Beaucoup commencent à ester en justice et à recouvrer leurs droits.

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Le tribunal de paix de Matadi a enfin rendu son verdict mi-2013 en faveur des enfants « Lulu mère », une famille très connue dans la ville.

« Nous sommes orphelins depuis cinq ans, notre papa avait beaucoup d’argent et après sa mort, les oncles et tantes paternelles ont ravi les parcelles et tous les biens. Nous avons saisi le tribunal qui vient de rendre enfin justice », se réjouit un des enfants.

Après 46 ans, Annie Kansi et ses sœurs ont, elles aussi, enfin récupéré leur maison dans la commune de Nzanza ravie par leurs tantes à la mort de leur père. « J’avais 8 ans quand elles nous ont chassés alors que papa n’était même pas encore enterré. Ma mère, mes sœurs et moi n’avions sur nous que les habits que nous portions. Nous avons vraiment souffert durant toute notre vie », se souvient-elle.

Mariage_RDC_FacebookAu Bas-Congo à la mort du conjoint, la veuve est souvent répudiée par sa belle-famille qui passe outre le régime matrimonial. M.T qui a perdu son mari en août dernier en a fait les frais.

Pendant que la dépouille mortelle était encore exposée au Centre des jeunes de Minkondo à Matadi, ses biens ont été vidés de la chambre des parents, la clé est jalousement gardée par un neveu du défunt. « Elle rentrera dans sa famille bredouille surtout qu’elle ne nous a pas donné un enfant », lance, décidée, une de ses belles-sœurs.

« Cet acte est pourtant contraire au Code de la famille qui stipule que les enfants sont les héritiers de la première catégorie, suivi du conjoint, des parents, sœurs et frères du défunt ; tandis que les oncles, tantes et grands-parents constituent la troisième catégorie, précise Roger Manegabe, juge au tribunal de paix. ¾ des biens reviennent à la 1ère catégorie, les autres catégories se partagent le ¼ restants ».

La mentalité peut changer

Mais à cause de la coutume, des croyances religieuses et la sorcellerie, les héritiers refusent souvent de réclamer leurs droits spoliés. Beaucoup affirment s’être résignés par crainte d’être « bouffés par des sorciers ». « Mon pasteur m’a dit que ce sont des choses du monde qui peuvent m’attirer des ennuis », témoigne une femme dépossédée de son droit d’héritage.

Depuis que les associations de femmes sensibilisent ces quatre dernières années les héritiers et les veuves à ne pas se laisser faire, les choses commencent à changer. A travers les caravanes motorisées, les ateliers et les émissions télévisées utilisant des messages clairs, elles se rendent mêmes dans les campagnes.

« Nous voulons que les enfants accèdent à leur héritage selon la loi et non la coutume, que les veuves rentrent dans leurs droits et que les enfants soient enregistrés à l’état civil pour la protection de la famille », explique Annie Mbadu, secrétaire permanente du Réseau femmes et développement.

« Saisissez le tribunal de paix vous qui avez vécu des injustices dans les successions ou partage des biens après la mort de vos conjoints ou des vos pères. Nous allons plaider pour vous sans frais pour que la justice soit rendue », invite Me Cherine Luzaisu, présidente de l’Association des femmes juristes du Congo (AFEJUCO).

Ces appels incessants semblent bien captés par les veuves et les orphelins qui commencent à se réveiller. Depuis trois ans, le nombre de plaintes sur la succession devant le tribunal de Matadi connaît une nette progression. « Les neuf cas enregistrés en 2010, ils ont triplé en 2013 », renseigne le greffier. « En tout cas le travail que ces Ong mènent sur le terrain portent des fruits et contribuent au changement des mentalités de la population de Matadi qui est très attachée à la coutume », se réjouit Andrien Mundyo, président du tribunal de paix.

Cellule de base de la société

« Cela fait 17 ans depuis que mon mari est mort. Ma belle-famille m’a ravi la maison alors que le livret parcellaire porte mon nom. Avec cette sensibilisation, je veux chercher un avocat pour défendre mon cas », se décide enfin Marie Bamba, présidente des veuves de l’église Communauté baptiste du Congo.

N’eût été la campagne du Refed, nous n’aurions pas saisi la justice ». Un éveil de conscience dont se réjouissent les autorités locales. « L’organisation d’un pays commence par la famille, si cette dernière est bien structurée et protégée, c’est le développement de tout un pays », pense Edmond Nzita, bourgmestre de Mvuzi.

Par Hélène Sodi

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