Le procès de l’Amérique de Ta-Nehisi Coates

Publié chez l’éditeur Autrement, Le procès de l’Amérique du talentueux Ta-Nehisi Coates analyse et met en perspective les conséquences de «250 ans d’esclavage, 90 ans de lois discriminatoires, 60 de ségrégation légale et 35 ans d’une politique du logement raciste» sur la plus grande démocratie du monde.

Natif de Baltimore, l’écrivain et journaliste américain Ta-Nehisi Coates est devenu l’une des figures de proue de la littérature américaine. À celui qui a reçu le prestigieux George Polk Award, on doit deux livres salués abondamment par la critique des deux côtés de l’océan: Une colère noire (Autrement, 2016) et Le Grand combat (Autrement, 2017).

« Célébrer la liberté et la démocratie tout en oubliant que l’Amérique prend ses origines dans l’économie de l’esclavage, c’est du patriotisme à la carte. »

Avec son nouvel ouvrage, Le procès de l’Amérique, traduit de l’anglais par Karine Lalechère, Ta-Nehisi Coates continue l’introspection de son pays. Il fait le constat que regarder la population noire en ne voyant que ce qui se passe dans les rues aujourd’hui est une faute lourde.

«Tant que nous n’aurons pas admis notre dette morale écrasante, l’Amérique ne sera jamais unie», dit-il.

Correspondant à The Atlantic où il couvre les affaires nationales et les violences raciales, il est d’avis qu’il faut impérativement faire le procès de son pays en revenant sur la genèse de la présence noire sur le continent et le tort considérable qu’a causé l’esclavage et les autres formes de discrimination et ségrégation dans un aussi grand pays comme les États-Unis d’Amérique et pour lequel on devine malgré tout un amour inconditionnel.

L’auteur s’interroge notamment sur l’épineuse question de la réparation que personne ne souhaite, ne serait-ce qu’abordé. Dans son essai, Ta-Nehisi Coates raconte l’histoire de ce représentant démocrate du Michigan, John Conyers, qui depuis plus de deux décennies, tente de proposer au Congrès, chaque session parlementaire, la mise en place d’une commission d’étude des propositions de réparations pour les Afro-Américains.

Niet, Nothing, Nada! Les refus sont aussi longs que les combats que mènent les Afro-Américains pour survivre dans ce qui est devenu depuis bien longtemps leur pays.

« La concentration de pauvreté a été associée à la concentration de la mélanine, créant une conflagration dévastatrice. »

Pourtant, la conception du terme réparation pour Ta-Nehisi Coates diffère beaucoup de l’idée qu’on pourrait s’en faire. « Par ce mot, j’entends la pleine reconnaissance de notre histoire collective et de ses conséquences », dit-il dans son livre.

« Ignorer le fait que l’une des plus vieilles républiques du monde a été bâtie sur la suprématie blanche, prétendre que les problèmes d’une société duale sont les mêmes problèmes que ceux du capitalisme sans régulation, c’est cacher le péché du pillage national derrière le péché du mensonge national. »

Ta-Nehisi Coates illustre son propos par différents thèmes et exemples. La question du droit de logement est un de ceux-là. L’écrivain explique ainsi que si les Noirs étaient presque reconnus, le système en place faisait en sorte de spolier les quelques rares têtes qui émergeaient du lot. Impossible d’avoir droit à un crédit comme les Blancs, ils devaient passer par des gens qui n’avaient aucun scrupule à revendre plus chers ou à récupérer la maison et tous les investissements pour aussi peu qu’un payement raté ou une désagréable assurance surprise sortie d’un je ne sais quel chapeau.

Dans cet essai nécessaire et véritablement incendiaire, Ta-Nehisi Coates croit q u’il est plus que jamais temps qu’un procès soit fait et que le pays, à tout le moins ses responsables, prenne leur responsabilité face aux erreurs du passé.

Reste qu’au moment où Donald Trump a succédé à Barack Obama, l’espoir reste mince, très mince, mais Ta-Nehisi Coates semble vouloir être une de ces voix qui parlent et résonnent malgré tout.

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