Avec son quatrième roman, la célèbre auteure nigérianne, connue notamment pour son ouvrage L’autre moitié du solei» (adapté à l’écran en 2014 avec Chiwetel Ejiofor) et son fameux discours TED sur le féminisme, signe une oeuvre forte qui aborde sans concession des sujets toujours d’actualité comme la race, le racisme, le féminisme ou encore la question des privilèges aux États-Unis.
Idées reçues, manque de représentation des Noirs dans les médias de masse, usage (ou plutôt censure) du mot nègre dans la sphère publique, l’élection de Barack Obama comme premier président américain noir… Le spectre des sujets abordés par l’auteure est très vaste au long des 528 pages qui composent le roman.
Lorsqu’elle décide de rentrer dans son pays natal après 15 ans d’exil au pays de l’Oncle Sam, la jeune femme laisse échapper la phrase suivante: «En descendant de l’avion à Lagos, j’ai eu l’impression d’avoir cessé être noire».
Après des débuts difficiles, Ifemelu s’adaptera peu à peu à son nouvel environnement. C’est par le biais de son blogue «Raceteenth ou Observations sur les Noirs américains (ceux qu’on appelait jadis les nègres) par une Noire non américaine» qu’elle fera une critique très acerbe de la société américaine et de son racisme manifeste envers les Noirs.
«Cher Américain non noir, si un Américain noir te raconte une expérience vécue par un Noir, je t’en prie, ne t’empresse de citer des exemples tirés de ta propre expérience. (…) Tu as souffert. Tout le monde sur Terre a souffert.» (p. 363).
Une grande histoire d’amour
En plus d’être un roman instructif, puissant et sans concession sur la race (l’un des meilleurs qu’il m’a été donné de lire), sur l’intégration dans un nouveau pays et les différences culturelles, Americanah est avant tout un roman d’amour.
C’est une histoire d’amour épique et atypique qui ne passe pas sans heurts l’épreuve du temps et de la distance. Les deux protagonistes vont évoluer chacun de leur côté: Ifemelu aux États-Unis, Obinze à Londres. Leurs destins vont à nouveau s’entremêler plusieurs années plus tard.
En plus de jongler entre les protagonistes, le livre, construit de façon plutôt anarchique, évite la linéarité, sans perdre le lecteur. Les personnages secondaires sont aussi attachants (Tante Uju, Dike, les parents d’Ifemelu, la mère d’Obinze)
Les coiffures et les cheveux, un sujet qui peut paraître futile, tiennent une place importante dans le récit (dans le premier chapitre, Ifemelu va se faire des tresses dans un petit salon miteux avant de rentrer au Nigéria). Mais grâce à ce petit détail, la romancière réussit à mettre en évidence les préjudices que doivent subir les femmes noires (et les Noirs d’une façon plus générale) dans la société américaine.
«La race n’est pas de la biologie; la race est de la sociologie. La race n’est pas un génotype; la race est un phénotype.» (p. 376)