Peu importe le nombre d’années de concubinage, à Goma, à l’est de la RD Congo, de plus en plus de femmes exigent de leurs compagnons le mariage civil, seule union reconnue officiellement. Cet acte garantit leurs droits en matière de succession ou en cas de séparation.
(Syfia Grands Lacs/RD Congo)
Ce samedi matin de mars, Eugénie Salongo, la quarantaine et mère de dix enfants, est entourée d’une foule d’amis venus assister à son mariage civil à l’Hôtel de ville de la commune de Karisimbi, à Goma. Après plus de dix ans de vie commune avec le père de ses enfants, Eugénie ne voulait plus se contenter du concubinage.
Mais avant de se dire « oui » devant le maire, il lui a fallu de la persévérance et mener de longues tractations. « C’est une grande décision que nous avons prise. Mon mari ne voulait pas du mariage civil, mais j’ai beaucoup insisté, car c’était important pour moi », explique la jeune mariée.
En ce grand jour, le bonheur se lit sur le visage des époux. « Après le mariage civil, place au mariage religieux. C’est incroyable comme aboutissement et c’est très encourageant pour le futur de ce couple », lance joyeusement un des témoins. Cette joie partagée n’en cache pas moins l’étonnement de certains convives. « C’est surprenant une femme avec dix enfants, qui décide de se marier après tant d’années de vie commune. Cela ne se faisait pas avant », commente Erick Ndakola, une invitée. En effet, par tradition, pour de nombreux Congolais, le mariage se limitait à une célébration religieuse ou coutumière.
Préserver ses droits
Plusieurs raisons expliquent la volonté des femmes d’obtenir un mariage civil. L’union scellée devant un officier d’état-civil est la seule reconnue juridiquement. Le mariage civil offre à l’épouse plus de respectabilité et surtout valorise son statut et ses droits au sein du foyer. « Lorsqu’on n’est pas marié civilement, c’est très difficile pour la femme de revendiquer ses droits. Certains maris répudient leurs compagnes sans autre forme de procès pour se remarier sans problème, puisqu’ils ne l’étaient pas officiellement », confie une jeune habitante de Goma, qui estime que dans une union reconnue, le mari ne peut pas tout se permettre.
La prise en compte de leurs droits en matière d’héritage, par exemple, contribue aussi à la détermination des femmes à conclure un mariage civil. « C’est un garde-fou pour le couple. Chacun agit en respectant ses obligations vis-à-vis de l’autre. Lorsque les époux choisissent le régime de communauté universel des biens, cela permet à la femme d’accéder à l’héritage. D’où l’importance du mariage civil, le seul reconnu », explique James Kambere Nzumuka, bourgmestre de la commune de Goma.
Pour illustrer son propos, il cite a contrario le cas de femmes qui, n’étant pas mariées civilement, n’ont eu aucun droit sur les biens de leurs défunts maris. Selon le bourgmestre, il y a encore bien d’autres avantages à sceller une union devant un officier d’état-civil. Un exemple : la reconnaissance des enfants, qui en résulte, confère à ceux-ci des droits de succession en cas de décès du père.
Fortes de tous ces avantages, les femmes n’hésitent plus et font tout pour conduire leurs compagnons devant le maire, quelle que soit la durée du concubinage. Et l’Église encourage désormais elle aussi cette démarche : « Quand je me suis marié, l’Église nous a obligés à procéder au mariage civil avant la célébration religieuse », confie le bourgmestre de Goma.
Par Passy Mubalama