Les Burundaises ne peuvent toujours pas hériter des terres

Au Burundi, le projet de loi sur la succession est au point mort depuis quelques mois. Les femmes ne peuvent toujours pas hériter des terres. Les associations de défense des droits de la femme font le constat amer d’un retour en arrière.

(Syfia Grands-Lacs/ Burundi) 

« Parler d’autonomisation de la femme, c’est vraiment une illusion quand la femme n’a rien, quand elle ne peut même pas posséder une bananeraie. C’est une inégalité formelle quand on n’a pas les mêmes droits, simplement parce que l’un est un garçon et l’autre une fille », s’indigne Perpétue Kanyange, coordonnatrice de la SPPDF, un collectif d’associations féminines.

L’an dernier, le ministère du Genre ainsi que diverses organisations avaient entamé une campagne pour sensibiliser autour du projet de loi sur la succession, les régimes matrimoniaux et les libéralités. Mais, depuis, ces activités ont été suspendues sans explication, sur ordre des instances étatiques.

Photo : The Advocacy Project, Flickr

À Maramvya, à une trentaine de kilomètres à l’est de la capitale, Bujumbura, cette mesure a provoqué la colère des femmes, rapporte Judith Nzeyimana, coordonnatrice de terrain à l’Ong CARE.

Pour elles, c’est comme un retour en arrière, alors que le processus était déjà avancé. Dans cette localité, les femmes sont nombreuses à adhérer à des associations. En témoigne Mpawenimana, qui dirige deux associations. « Avant, j’étais pauvre. Je devais tout demander à mon mari.

Depuis que j’ai commencé des activités d’épargne et de crédit, comme on nous l’a enseigné, j’ai des revenus consistants. Et mon mari en est également content », raconte cette mère de six enfants, dont cinq sont à l’école primaire.

Le dynamisme des femmes

Au départ, Juliette avait contracté un crédit de 10 000 Fbu (environ 10 $) pour un petit commerce. Par la suite, elle a acheté quelques casiers de bière et de limonade à 70 000 Fbu.

Ainsi, elle a même réussi à acheter un vélo à 150 000 Fbu, très utile pour son commerce. Grâce à son dynamisme, son mari, qui l’avait abandonnée, lui est revenu et ils ont régularisé leur union. Toutefois, dit-elle, beaucoup de femmes qui ne sont pas membres d’associations restent pauvres et subissent toutes formes de violences.

Les femmes rurales sont particulièrement vulnérables. À Maramvya, Judith Nzeyimana souligne parmi les violences subies, les violences économiques et psychologiques, en plus de la polygamie très répandue dans cette localité rizicole. Certaines femmes en perdent la raison et vont parfois jusqu’à la tentative de suicide, par empoisonnement.

Selon les organisations de défense des droits de la femme, ces violences trouvent leur origine dans le non-accès des femmes à la terre : elles n’ont pas d’autres ressources, ni d’endroit où aller si elles sont répudiées. Pour Perpétue Kanyange, il faut que la population « change de conception et passe de celle d’une femme qui fait partie des propriétés à celle d’une femme propriétaire et actrice ». « On voudrait, martèle-t-elle, que la communauté le comprenne et donne une place aussi importante à la femme qu’à l’homme. »

L’exemple rwandais

Burundaises, Crédit Photo : Martine Perret, Flickr

Face au blocage du projet de loi sur la succession, des organisations demandent qu’elle soit inscrite dans les priorités du gouvernement. Selon Chantal Mukandori, présidente de l’Association des femmes Juristes (AFJ), cette loi permettrait aussi de résoudre les nombreux conflits fonciers pendants devant les juridictions du pays : « Même les hommes n’ont pas de loi pour succéder. C’est pourquoi il y a des conflits.

Mais si la loi est promulguée, les conflits diminueront parce que chacun connaîtra ses droits et ceux d’autrui », affirme-t-elle. En l’absence de législation, l’on se réfère à la coutume, qui favorise l’héritage des garçons au détriment des filles.

Toutefois, certaines familles respectent l’égalité entre les filles et les garçons dans le partage de la terre lignagère, comme c’est le cas au Rwanda voisin, qui a pratiquement les mêmes coutumes que le Burundi, mais où existe une loi qui établit la parité.

L’AFJ y a effectué une mission pour constater le chemin parcouru. Pour sa présidente, cette loi a été promulguée « d’abord grâce à la volonté des pouvoirs publics et des dirigeants ». « Et, poursuit-elle, « maintenant que la loi est là, les femmes succèdent au même titre que les hommes et il n’y a pas de problèmes particuliers. »

Par Béatrice Ndayizigamiye

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