Marc Koutekissa à la 12ème édition d’Africajarc

Depuis 12 ans, le Festival Africajarc reçoit des artistes, écrivains et amoureux de l’Afrique. Cajarc, petite ville du sud de la France, est devenue l’un des grands lieux de rencontre et de discussion sur la littérature africaine francophone. Touki Montréal vous présente une série d’entrevues réalisées entre le 22 et 25 juillet dernier. Pour commencer, rencontre avec Marc Koutekissa, d’origine congolaise et président fondateur de Cyr Éditions. Il est l’auteur de la BD La colonisation selon sarko 1er.

Touki Montréal : Dans cette bande dessinée, vous opposez le témoignage de la vie de votre père sous la colonisation française au Congo Brazzaville et le discours de Sarkozy prononcé à Dakar en 2007. Qu’est-ce qui vous a fait réagir au point d’opposer ces deux versions de l’histoire coloniale française ?

Marc Koutekissa : J’ai cru comprendre que le président Sarkozy n’était pas à l’affût sur la vérité de la colonisation. Il est venu à Dakar, il a dit certaines choses, notamment que l’Afrique n’était pas assez rentrée dans l’histoire, il a parlé des bienfaits de la colonisation. Et c’est quelque chose qui m’avait blessé. Seulement, comme en n’en avait pas beaucoup parlé en France, c’était quelque chose qu’il fallait mettre sur la place publique. Ces mots étaient tellement blessants, que j’ai mis en exergue ce discours avec ce que mon défunt père avait vécu : la colonisation. À ceux qui considèrent que cette bande dessinée, c’est de la politique,  moi je dis que c’est de l’histoire.

T.M.: Vous dénoncez les effets négatifs de la colonisation française au Congo à travers cette bande dessinée. Comment avez-vous réagi en 2005, à l’annonce du projet de loi voulant introduire les « points positifs » de la colonisation française dans les programmes scolaires ?

M.K.: J’avoue que j’ai été un peu surpris et un peu choqué. Je pense que dans aucun pays au monde, malgré la misère, malgré la pauvreté, aucun peuple n’a envie d’être soumis. Aucun peuple au monde n’a envie d’être dominé. Aucun peuple n’a envie d’être maltraité. J’avoue que quand j’ai entendu parler de ce projet qui devait se faire sur les bienfaits de la colonisation, j’ai été choqué. Ça m’a vraiment peiné.

T.M.: Comment qualifieriez-vous la manière dont est présentée la colonisation par Nicolas Sarkozy dans le discours de Dakar ?

M.K.: Tout simplement, de scandaleuse.

T.M.: Nicolas Sarkozy adopte une position dans son discours, notamment lorsqu’il déclare « L’homme africain n’est pas assez rentré dans l’histoire. » Dans la BD, vous semblez tournez en ridicule cette position ?

M.K.: Ce n’est pas moi qui le tourne en ridicule. L’illustrateur a essayé d’exprimer les gestes qu’il fait, c’est cela qu’on a essayé de mettre en exergue. C’est une bande dessinée où il y a un peu d’humour. Mais dans cette BD on n’a jamais insulté le président Sarkozy, on n’a jamais rien dit de faux. Tout ce qu’on a fait, ça a été de mettre en exergue son discours, et montrer le côté contraire de ce qu’a vécu mon défunt père.

T.M.: Vous avez également choisi de faire ressortir certains traits du discours de Dakar au niveau graphique. Le visage du président Sarkozy change au fur et à mesure du discours, notamment lorsqu’il déclare « J’aime l’Afrique, j’aime et je respecte les Africains. »

M.K.: Souvent, on a tendance à dire « je suis l’ami de l’Africain». Vous savez chez nous, dans mon pays d’origine tout au moins, je suis franco-congolais, on disait « Nos ancêtres les Gaulois. » C’est resté. La France est un pays qu’on aime beaucoup, les Français sont très bien appréciés au niveau de l’Afrique. Et malheureusement, Sarkozy y fait des choses ou y pose des actes. Je me demande s’il est conscient de ces actes. Quand il dit « je suis l’ami des Africains », l’illustrateur a jugé bon de lui mettre des cheveux crépus et des traits africains…

T.M.: Ce discours de Dakar a fait réagir plusieurs intellectuels africains qui ont écrit des ouvrages aux titres évocateurs, comme le Petit précis de remise à niveau d’histoire à l’usage du Président Sarkozy d’Adama Ba Konaré. Quelle est la spécificité de votre œuvre par rapport à ces ripostes ?

M.K.: J’ai effectivement entendu parler de ce livre, que je n’ai jamais lu. Moi, si j’ai fait cette bande dessinée, c’est parce que je me suis dit qu’il fallait réagir. Il a fait ce discours en 2007. Cette BD est sortie en mars 2010. Il y a eu rupture de stock, on l’a fait refait sortir en mai 2010. Donc il s’est passé 3 ans entre le discours de Dakar et la parution de cette BD. Je me suis dit : il faut réagir, il faut réagir.

D’une manière générale, il ne faut jamais se laisser aller dans la précipitation. Il faut prendre son temps et voir dans quelle mesure on peut mettre ça au grand public. Parce que le but quand même, pour les personnes, c’est de savoir. Souvent on dit, « les écrits restent, les paroles s’envolent », et au niveau des écrits, ça c’est parfait. Ça permet aux gens, quel que soit l’âge, qu’on soit enfant ou adulte, de lire un peu. Il ne s’agit pas ici de politique, il s’agit de l’histoire : la réalité sur ce qui a été réellement.

Propos recueillis par Pauline Botella

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