Au nord du Burundi, des épouses trompées par leurs maris se regroupent pour chasser des concubines. Jeunes et pauvres, ces dernières se retrouvent alors le plus souvent sans rien ni personne. Leurs amants leur promettaient pourtant la richesse…
(Syfia Grands Lacs/Burundi)
Aujourd’hui encore, des épouses surveillent que leurs hommes n’ont pas de concubines. Obligés de se faire plus discrets, ces derniers installent leurs nouvelles conquêtes loin de leur premier foyer. Gare aux jeunes femmes qui traîneraient encore à proximité du foyer conjugal. Elles seraient aussitôt chassées avec leurs enfants et leurs amants par des femmes solidaires, bien décidées à ne plus se laisser faire.
« Nous refusons toute violence faite aux femmes, y compris le concubinage ! ». Tel était le slogan des femmes de la commune Ntega, province Kirundo, au nord du Burundi lors d’une manifestation. C’était il y a presque un an, en février 2010. Elles s’étaient alors regroupées pour chasser des concubines.
« Personne ne pouvait nous arrêter. Nous étions déterminées, un gourdin à la main non pour les frapper, mais pour les terroriser », raconte l’une d’elles. Quatre femmes ont été chassées ce jour-là. « Leurs amants cherchaient à les cacher. Mais, discrètement, les épouses nous indiquaient les endroits où se trouvaient leurs rivales. Ce qui est arrivé à celles-ci ensuite ? Peu nous importe : ce sont elles les fautives ! », s’emporte une de ces justicières improvisées.
Une fois chassées, les concubines, qui ont pour la plupart entre 16 et 18 ans et ont abandonné l’école à cause de la pauvreté de leurs familles, sont parfois délaissées par leurs « époux ». Très rares sont celles qui peuvent ensuite retourner chez leurs parents. Quant à leurs oncles et tantes, ils refusent parfois de les accueillir. Le risque est donc grand de voir ces adolescentes trompées par des commerçants qui leur ont promis la richesse, tomber dans la délinquance. « En position de faiblesse, car démunies, elles acceptent (de devenir des concubines, Ndlr), même si elles en connaissent les risques », explique une source administrative de la commune Ntega.
MST, assassinats, faillites…
La loi burundaise interdit pourtant le concubinage, mais il suffit de payer une amende de 150 000 Fbu (environ 120 $) pour rester avec sa concubine, assure la même source administrative. Une tolérance qui crée de nombreuses tensions dans les ménages. « Quand mon mari a décidé de prendre sa deuxième femme, je ne savais pas où aller », se rappelle une femme.
Elle poursuit : « Quand nous essayons de revenir chez nos parents, ils nous obligent à regagner le foyer conjugal. Autrement, c’est la honte dans la famille ! » Ce retour forcé expose le foyer aux MST, car les deux conjoints sont généralement infidèles. « Je cherche ailleurs l’affection qu’il n’a plus pour moi… Je sais que nous ouvrons ainsi la porte au sida », ajoute-t-elle.
Cette situation fait aussi des ravages chez les enfants, en particulier quand ils doivent partager l’héritage paternel. En effet, même si la Justice accorde le droit de succession aux enfants des concubines, très souvent, ceux de la première femme ne l’acceptent pas. Imprégnés de la colère de leur mère, ces enfants rejettent leurs demi-frères et sœurs. Des deux côtés, la haine se développe. « La plupart des procès que nous traitons sont liés à des assassinats et à des empoisonnements entre demi-frères », révèle un magistrat du tribunal de résidence à Ntega.
Incapables de gérer les problèmes qu’ils ont pourtant créés et de nourrir plusieurs familles, certains hommes quittent leurs deux voire leurs trois familles en pleine tourmente. « Ils fuient et s’exilent en Tanzanie. Certains partent clandestinement ; d’autres disent y aller pour des raisons commerciales », raconte une vielle maman dont le mari, ruiné, est parti en cachette. « Voilà le piège que se tendent nos maris, qui regrettent après avoir tout perdu ! », termine-t-elle.
La vigilance des femmes a, en général, un effet dissuasif sur les hommes. La plupart ne veulent pas devenir la risée de la communauté. « Quand tu causes un tort social, tu es mis en quarantaine, punition morale que craint tout Burundais qui se respecte », assurent certains. Il n’empêche qu’en chassant des concubines, ces femmes s’en prennent aussi le plus souvent d’abord à des victimes…
Par Audace Nimbona
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