Notre étrangère de Sarah Bouyain

Ce soir au Fespaco, les festivaliers découvriront en première africaine le premier long-métrage de fiction de la réalisatrice burkinabé et française Sarah Bouyain. Un bijou de film lent comme un fleuve profond qui explore les thèmes de la solitude, de la féminité et de l’altérité.

C’est avant tout l’histoire d’Amy. Elle vit en France depuis l’âge de huit ans, chez son père. Sa mère est burkinabé, mais c’est une Française qu’elle appelle maman. Un jour, elle fait ses bagages pour le pays où elle est née. À Bobo Dioulasso, elle ne trouve que sa tante, qui parle juste le dioula et vit seule avec sa bonne.

Mais le film raconte aussi l’histoire de Mariam, une Africaine silencieuse et triste qui enseigne le dioula à Esther, cadre dans l’entreprise où elle fait le ménage à Paris. Et aussi celle de la maman adoptive d’Amy, celle de sa tante, sans oublier celle de la bonne, Kadiatou. Tous ces rôles sont interprétés avec une justesse incroyable et égale par les actrices principales : Dorylia Calmel (Amy), Assita Ouédraogo (Mariam), Nathalie Richard (Esther) et Blandine Yaméogo (Acita).

La relation entre les origines françaises et burkinabé de l’héroïne est le principal thème. «Ça m’obsède un peu», avoue dans un rire la réalisatrice, dont le premier film était un documentaire intitulé Les enfants du blanc, sur le destin d’enfants que les colons français ont eus avec des Africaines.

L’oeuvre explore aussi la sensation d’être étrangère, la maternité et la solitude. «Ce sentiment de solitude m’habite», explique Sarah Bouyain. Il est aussi lié à l’Afrique : «Quand je venais au Burkina, je ne comprenais pas le dioula et ma grand-mère voulait me protéger, alors elle ne voulait pas que je sorte de la cour. J’étais très seule et j’observais ce qui se passait autour de moi.» Elle ajoute que dans l’imaginaire commun, Afrique rime avec grande famille et solidarité. «Mais il y a des gens en Afrique qui sont seuls parce qu’ils sont différents d’une norme, d’une façon ou d’une autre».

Sarah Bouyain n’a pas voulu faire un film autobiographique, mais elle s’est inspirée des femmes de sa famille et a filmé la cour qu’elle visitait dans son enfance avec la lenteur languissante des longues journées de son enfance. La méconnaissance de la langue est aussi un élément vécu : «Comme j’ai la peau claire, on ne voit pas que je suis burkinabé, alors j’ai appris le dioula avec ma cousine. Soudain, les mots que j’entendais depuis si longtemps prenaient un sens.»

Le film lui-même est métissé parce que tourné autant en France qu’au Burkina et fruit d’une collaboration entre des artisans du cinéma des deux pays, si les capitaux sont majoritairement français.

Il en résulte un petit joyau inattendu à la photographie superbe, magnifiquement interprété et au rythme à la fois fort et délicat. Bonne nouvelle, le public montréalais devrait le découvrir au prochain festival Vues d’Afrique (lien), nous a déclaré Sarah Bouyain.

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