105 rue Carnot de Felwine Sarr

Felwine Sarr, auteur du roman Dahij vient de publier chez Mémoire d’Encrier, 105 rue Carnot. L’écrivain et chanteur y livre six récits rafraîchissants et efficaces prenant place dans son pays natal : le Sénégal.

Dakar, Joal, Tamba-Counda, Samba Dia : toutes ces villes sont traversées par les textes réalistes de Felwine Sarr, mettant en scène un Sénégal d’aujourd’hui, loin des descriptions exotiques d’une Afrique idéalisée ou surdramatisée par un Occident lointain. Les différents narrateurs apportent vie aux décors urbains tracés d’une plume franche et poétique.

Tel un château de sable se construisant petit à petit, les différents lieux prennent du relief. Son espace est peuplé  et se déploie sans difficulté dans l’imaginaire du lecteur, non en tant que touriste mais bien en tant qu’habitant.

À la fin des soixante-seize pages, c’est en terre connue et reconnue que le lecteur se retrouve en parcourant la dernière histoire : 105 rue Carnot.

Les mots en wolof et en sérère apportent une touche d’authenticité à une écriture qui tire sa force de sa simplicité et de ses métaphores éloquentes, à l’instar des célèbres aphorismes africains.

«Pour que nous ayons le privilège de brouter dans les prés du Nord qui contenaient toute l’herbe fraiche du globe, les gardiens de la mangeoire devaient s’assurer que nous puissions nous agréger au troupeau»

Au-delà du sentiment géographique, l’auteur délivre un discours assumé sur une Afrique contemporaine, qui est entrée dans le XXIème siècle comme le reste de la planète. Fini l’éternel arrêt sur image de peuples vivant dans des huttes ou autres maisons primaires.

Le Sénégal est lui aussi entré dans la danse de la mondialisation. Les jeunes adolescents se trémoussent sur des chansons pop américaines tandis que le reste de la population achète des Jeans Levis avec leurs francs CFA (vestige de la colonisation française) et regarde les émissions de la chaine américaine ABC.

Le récit Annie au pays des pauvres, un des textes les plus réussis tant par sa virulence que par la justesse des propos, met à jour les perpétuels stéréotypes des pays européens sur le continent africain. Annie, une toubab (européenne, étrangère) partie au Sénégal pour une ONG, essaie de cacher sa déception face à une modernité urbaine qu’elle pensait impossible.

Elle cherche partout autour d’elle les images de misérabilisme et de pauvreté extrême dans lesquelles elle a été bercée. Au travers d’un dialogue tranchant, Felwine Sarr donne la parole à ce continent, malmené par les plus riches, pour qu’il puisse donner sa vérité : celle d’un peuple heureux de ce qu’il possède.

« Ici les gens sont peut-être comme vous dites pauvres, il leur manque parfois l’essentiel, souvent le superflu, ils ne sont pas misérables pour autant. Pour du superflu vous faites des guerres. Vous êtes capables d’aller sur Mars, mais ne savez pas dire bonjour à votre voisin. »

Felwine Sarr renouvelle notre imaginaire de l’Afrique longtemps manipulé par des images de guerres, de famine et de misère. Il réussit à nous faire comprendre que l’on peut adjoindre avec succès deux choses : son identité première et les cultures diverses venant se juxtaposer avec la globalisation et les biens matériels. Ce n’est pas pour demain que le Sénégal sera «américanisé».

2 Commentaires

  1. Les mots en expliquent parfois mieux que la réalité, voilà l’équivalence de ces écritures. Felwine Sarr nous
    fait un feed-back avec une certaine dose d’ariginalité pour rappeler un peu la quêtte d’identité de l’Afrique. On est d’ésorientée par la mondialisation et victime de la Guèrre des civilisation et pire encore notre sort est confisqué. il est temps…………….
    cher l’ecteurs Africains bonne lecture,à bon entendeurs salut
    Bonne continuation M SARR !!!

  2. Après Dahij et Méditation Africaine, j’ai emprunté la « Rue Carnot. »

    Sur ce chemin de l’enfance et de l’innocence, j’ai apprécié, entre autres, ma rencontre aussi furtive qu’elle soit, avec « la princesse zoulou» émergeant des poèmes .

    Mais surtout, je me suis arrêtée vers le numéros 66/67 de la rue Carnot, chez Monsieur Joe Ouakam,. Attention, son formidable sermon à Annie (pour qui j’ai éprouvé de l’affection), peut être un éveil douloureux pour ados et adultes non informés, car monsieur Joe parle en connaissance de cause…!
    Encore un livre que je conseillerai !

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