Au Sud-Kivu, la majorité des électeurs sont des électrices. Pourtant, lors des dernières législatives, les femmes ont boudé leurs candidates. Aucune d’entre elles ne semble ainsi avoir été élue et ce malgré les plaidoyers menés par plusieurs associations.
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Au Sud-Kivu, 52 % des électeurs sont des électrices. « Cette majorité nous a motivés à sensibiliser les femmes pour qu’elles prennent conscience de leur nombre. Nous leur avons démontré que si elles le voulaient, elles pouvaient donner un siège à l’une d’entre elles », explique Gustave Bafakulera, chargé de programme au Conseil régional des organisations non gouvernementales de développement (CRONGD/Sud-Kivu).
A Bukavu, elles sont venues nombreuses à ces réunions et y ont décrit le profil de leur candidate idéale. « Elle doit craindre Dieu, être leader, ne pas avoir peur de prendre la parole devant les hommes, être de bonne moralité, patriote », énumère Franceline Mafuha, qui a assisté à une de ces réunions.
Plusieurs organisations de la société civile ont ces dernières semaines plaidé auprès des femmes pour qu’elles élisent plutôt l’une d’entre elles. La Commission diocésaine justice et paix (CDJP) a organisé des débats dans les villages.
Le Centre Olame et le Caucus des femmes pour la paix ont diffusé des émissions. Dans ces différents débats, les intervenantes ont critiqué les politiciens qui minimisent les femmes. Un député national élu en 2006 a ainsi dernièrement déclaré : « Si nous les hommes avons du mal à prendre la parole dans les réunions à l’hémicycle, ce sera encore plus difficile pour elles d’y parvenir ! »
Idées rétrogrades et pauvreté
Les avis sont partagés chez les femmes qui ont déjà exercé des responsabilités dans certaines associations. Certaines adoptent les idées rétrogrades des hommes et ne retiennent que ce qui leur a été inculqué à l’église : « La Bible dit que l’homme est la tête de la société. La coutume nous apprend qu’il existe des travaux qui leurs sont réservés et que la place de la femme est au foyer « , estime par exemple Déborah Mwenge, épouse d’un pasteur.
D’autres sont conscientes que le leadership peut aussi être féminin. « Elle peut diriger, mais l’homme ne lui laisse pas l’opportunité de prouver ses compétences. C’est pourquoi la lutte doit continuer », déclare avec détermination, Mema Mapenzi de la CDJP. Pour Rachel Sambi, assistante juridique à l’Initiative congolaise pour la justice et la paix (ICJP), « la femme est la mieux placée pour défendre la cause d’une autre femme, car elle connaît mieux ses problèmes. C’est pourquoi nous devons la soutenir ».
Mais, à Bukavu, cet appel des OSC ne semble pas avoir été entendu lors des législatives de novembre dernier puisque, selon les dernières estimations, aucune des 22 candidates (sur 154 candidats au total) en lice n’aurait été élue… Pour la société civile, les raisons de cet échec se trouvent dans les mentalités, mais pas seulement. « L’insuffisance de moyens financiers dont dispose la femme ne lui permet pas de battre campagne comme son camarade homme », déplore Mathilde Muhindo, directrice du Centre Olame.
Par Lydie Fazila