Kasaï-Oriental : des camions faute d’avions

Depuis quelques mois, une seule compagnie, qui ne dispose que d’un seul avion régulier, relie le Kasaï-Oriental au reste du pays. Cette faiblesse du secteur aérien ralentit l’activité économique de la province, mais favorise le transport par route.

Le crash du 8 juillet 2011 à Kisangani (Province-Orientale), le deuxième en 13 mois d’un avion d’Hewa Bora Airways, a poussé le gouvernement de la RD Congo à retirer sa licence d’exploitation à la compagnie pour l’ensemble du pays.

Conséquence : la province du Kasaï-Oriental, qui compte environ 8 millions d’habitants, se retrouve avec une seule compagnie aérienne autorisée, la Compagnie Africaine d’Aviation (CAA) et celle-ci ne dispose que d’un seul avion régulier pour relier Mbuji-Mayi aux autres chefs lieu de provinces de la RDC.

« Est-il encore possible de voyager avec la seule compagnie qui nous reste », interroge Antoine Kashala, un agent administratif en mission officielle à Mbuji-Mayi, la capitale de cette province. Les voyageurs au départ de cette ville ont de sérieuses difficultés pour atteindre Kinshasa, la capitale, et Lubumbashi.

Non seulement le prix des billets a fortement augmenté (de 160 à 250 $ pour un vol vers Kinshasa), mais trouver une place à bord d’un avion est devenu un véritable casse-tête. On se bouscule devant les guichets de la CAA.

« D’abord, des agents nous disent qu’il n’y a pas de billets et que toutes les places sont déjà prises, raconte un passager à destination de Lubumbashi. Tous les arguments sont bons pour obtenir un billet : « Je suis pasteur, mon frère et je dois répondre à une invitation de l’Église missionnaire Le pâturage, au Katanga. »

Des billets au plus offrant

Les clients les plus pressés et les plus fortunés se font aider par des commissionnaires qui leur revendent les billets de personnes qui ont soit reporté soit annulé leur voyage. La vente se fait bien sûr au plus offrant, certains commissionnaires en profitant au passage pour se faire graisser la patte.

Ensuite, il faut jouer des coudes pour entrer dans l’avion, car il y a parfois plus de billets vendus que de places disponibles. « En RDC, on aura tout vu, ironise un commissionnaire posté devant un guichet. Ça s’appelle la débrouillardise comme le chantait un musicien.

Ce quasi-enclavement aérien a des retombées négatives sur l’activité économique du Kasaï oriental, car il gêne les déplacements des hommes d’affaires et des opérateurs, ce que confirme un agent de la Régie des voies aériennes. Divers secteurs tournent au ralenti si bien qu’on note des hausses sur certains produits manufacturés, sur les objets en plastique, sur les cigarettes, les laits de beauté, etc. qui arrivaient de Kinshasa par avion.

Du coup, les avions-cargos servent de plus en plus au transport de passagers. François Luboya, un diamantaire, témoigne : « En cas de force majeure, nous sommes obligés de prendre les cargos à nos risques et périls. »

Mieux vaut voyager par la route

Toutefois, ces difficultés du secteur aérien profitent au transport par route. En effet, depuis 2010, de gros camions relient Mbuji-Mayi à la capitale en six jours à des tarifs beaucoup moins élevés (entre 40 et 50 000 FC soit 50 $ US) que l’avion.

Bien que cet axe ait été réhabilité par le Fonds national d’entretien des routes (Foner), le voyage reste pénible à en croire un transporteur qui a requis l’anonymat : « Relier Mbuji-Mayi, au centre du pays, et la capitale, à 1 800 km de là, n’est pas aisé. Les conditions de voyage sont déplorables ; la route à certains endroits est dégradée et les tracasseries routières sont légion », se plaint-il.

Les usagers se réjouissent du coût peu élevé du voyage, mais réclament eux aussi un meilleur entretien de la route.

« L’État ferait œuvre utile en entretenant régulièrement la route qui pourrait devenir rentable pour toute la nation dans la mesure où elle relie l’ouest du pays au centre, favorisant ainsi la communication interprovinciale mise en mal par l’absence d’un réseau fiable de communication routière », affirme un transporteur.

De Kinshasa, les camions ramènent en outre des produits manufacturés, et de Matadi voire Moanda, au Bas-Congo, du carburant et d’autres produits lourds comme le ciment.

De nombreux jeunes profitent du développement du transport routier en travaillant à charger et décharger les véhicules et en enregistrant les voyageurs. Jacques Mutombo, un des usagers de cette route estime que « dans un pays aussi vaste que l’Europe de l’Est, il manque une compagnie nationale de transport aérien » et regrette « que la société de chemin de fer attende toujours sa relance telle que promise par le gouvernement et ses partenaires.

« Ce sont, poursuit-il, les privés qui font la loi, mais si la route peut apporter une solution cela nous ferait du bien. » Thérèse Bambi, rencontrée à la station du marché de Mbuji-Mayi, se dit, elle aussi, satisfaite de ce moyen de transport : « Je suis assurée d’arriver à Kinshasa, car mon frère et sa famille qui m’ont précédée sont arrivés sans problèmes malgré l’état de la route. »

Les opérateurs économiques sont désormais nombreux à mobiliser leurs véhicules pour transporter personnes et biens. Avec la défaillance de l’avion, le transport routier est devenu rentable, comme le montrent l’accroissement du nombre de parkings et la création d’agences de voyages dans la capitale provinciale.

Par Richard Kayembe Kasongo

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