Bien démarrer sa vie de couple ne veut plus dire dépenser des fortunes lors de son mariage pour se montrer. Bon nombre de fiancés préfèrent désormais les fêtes modestes pour éviter de s’endetter. Ils utilisent les contributions des proches pour mieux vivre au quotidien.
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Plus question de dépenser des fortunes pour se marier et se retrouver dans la misère ensuite. De plus en plus de jeunes ne veulent plus de ces fêtes grandioses qui endettent les jeunes mariés et leurs familles, parfois sur plusieurs années.
Place aux fêtes modestes qui permettent de garder les contributions reçues à gauche et à droite pour d’autres fins, surtout pour le loyer, élevé à Bukavu, capitale du Sud Kivu.
« J’ai dit aux parents de ma fiancée qui tenaient à tout prix à organiser une grande fête dans une salle louée à 1 200 $, de me donner cet argent pour que je paye ma garantie locative pour trois ans, raconte Amani Mweze, agent de développement.
Me voilà aujourd’hui, avec cette garantie assurée. Mes propres économies sont destinées à me payer une petite parcelle dans la périphérie de la ville. »
Le plus souvent, les familles s’obligent à organiser plusieurs fêtes pour un même mariage : celle de la fiancée en organisent une pour dire au revoir à leur fille, celle du jeune homme aussi et puis deux fêtes, une pour les voisins et les membres de la shirika (communautés ecclésiales vivantes) et une autre pour le jour « J » ; plusieurs milliers de dollars y passent… Là aussi, certains disent non : « Au lieu de trois fêtes, mon fiancé et moi, nous sommes entendus avec nos familles pour organiser une seule réception, et, toutes les aides reçues, nous les avons rationnellement utilisées. Aujourd’hui, nous vivons très bien, nous sommes heureux dans notre foyer et les gens nous respectent », se réjouit Pascaline Ndamuso.
Mariages ruineux
Olivier Cishugi, homme d’affaires, s’est marié en 2010. Celui lui a coûté plus de 5 000 $… « Si aujourd’hui mes affaires ne marchent plus bien, c’est tout simplement à la suite de mon mariage qui a pris un tiers de mon capital », déclare-t-il, les larmes aux yeux. « J’ai fait toutes ces dépenses par souci de prestige, et aujourd’hui, les gens se moquent de moi », regrette lui aussi Cimanuka Bernard, tenancier d’un restaurant dans la commune de Kadutu, un quartier populaire de Bukavu, marié depuis un an.
Pour bon nombre de jeunes gens, qui viennent de terminer leurs études et qui ont trouvé un bel emploi dans une ONG ou une entreprise minière, le mariage constitue encore une occasion de se faire remarquer et respecter par leurs collègues. Une véritable concurrence s’installe entre eux.
« On ne se marie qu’une seule fois dans la vie et cet événement doit être inscrit en lettre d’or dans votre histoire ! », estime Me Akonkwa, défenseur judiciaire près le Tribunal de grande instance d’Uvira, pour justifier les dépenses faites lors de son mariage en 2008, avant de reconnaître que cela l’a obligé à travailler dur pendant deux ans pour rembourser toutes les dettes contractées à cette occasion…
En outre, ces dépenses inconsidérées pèsent souvent sur la vie du jeune couple. « Je gagne 150 $ le mois, mais pour la fête de mon mariage, j’ai dépensé près de 5 000 $ à cause de l’insistance de ma fiancée. Aujourd’hui, au regard des souffrances que nous endurons, j’ai parfois du mal à bien la regarder », se lamente, Idrissa, agent dans une compagnie privée de sécurité de Bukavu. Contraint par ses beaux-parents à se marier alors qu’il n’avait pas d’emploi et n’en a toujours pas, Gabriel, lui, est amer : « Notre amour en est fortement touché. Je mets tout cela sur le dos de ma femme et parfois je la déteste même. »
Les cérémonies de mariage font souvent l’objet d’une grande solidarité : amis, parents et proches se mobilisent et contribuent matériellement et financièrement à cet événement. Autant d’argent, qui, mieux utilisé, permet au jeune couple de bien démarrer dans la vie, estime de plus en plus de jeunes aujourd’hui. « Pour mon mariage, j’ai reçu trois vaches de mes oncles. En accord avec mon mari, nous n’avons utilisé qu’une vache pour la réception le jour du mariage et avons gardé les deux autres au village de mon mari, se félicite Marcelline Tulia. Aujourd’hui nous avons cinq vaches ! »
Par Jean Chrysostome Kijana