RDC : les pseudo-journalistes ternissent l’image des médias à Goma

Entre les journalistes qui tentent de profiter des pratiques de coupage et la pléthore de bloggeurs ne respectant pas les principes de la profession, difficile de distinguer le bon grain de l’ivraie en matière d’information.

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De plus en plus de journalistes… n’en sont pas. Début novembre, lors du point presse d’un ministre national, deux « journalistes » insultent le chargé de communication : ils n’auraient pas touché le coupage (frais exigés par des journalistes pour publier une information, NDLR).

Presse_Burundi

Le chargé de communication interpellé de s’étonner de son côté que les quémandeurs n’aient pas de carte de presse : « Bien sûr, je n’ai pas de média!, répond l’un. Mais je publie régulièrement sur ma page Facebook. » Pendant que les policiers le chassent, il râle: « Où croyez-vous que je peux gagner des sous pour nourrir et scolariser mes enfants? »

Attirés par la pratique généralisée du coupage, certains tentent ainsi de se faire passer pour des journalistes dans des manifestations ou rencontres avec les autorités. Ils écrivent même, encouragés par l’accès aux réseaux sociaux qui permet à tout un chacun de s’improviser rédacteur et d’avoir un lectorat.

« Nous ne comprenons pas le comportement qu’affichent certains jeunes sur le terrain, se plaint Albert Tulinabo, journaliste et éditeur du Peuple souverain. Ils se disent correspondants alors qu’ils se comportent en quémandeurs et injurient tous ceux qui veulent les ramener à la raison ou à l’apprentissage du métier. »Leur technique est simple, « ils se présentent au nom d’organes de presse dont ils ne font pas partie quand ils remarquent l’absence des journalistes responsables », s’indigne Darius Ali, journaliste à la Victoire du Congo.

Mauvaise pratique

Medias-Journalistes-Congo-Flickr D’après Lukeka Bin Mia, président de l’Union nationale de la presse congolaise (UNPC) du Nord-Kivu, au moins deux plaintes par semaine lui seraient parvenues ces trois derniers mois, liées aux agissements de pseudo-journalistes. La réputation des journalistes, déjà assez mauvaise, en pâtit davantage.

« Après nos manifestations ou nos réunions, nous payons des avances sur frais pour des publi-reportages aux nombreux journalistes présents. Puis on se rend compte par après que très peu ont effectivement diffusé, et que d’autres ont signé pour des radios fictives », dénonce, Azébé Kitabingu, chargé de communication provincial de la Croix-Rouge au Nord-Kivu.

Tout en soulignant ainsi, involontairement, le cercle vicieux dans lequel les journalistes sont pris en RDC: l’instrumentalisation par les sources, basée sur la pauvreté chronique des journalistes, nuisant à la crédibilité du métier et attisant au passage la convoitise et les escrocs.

De son côté, l’UNPC dit n’avoir pas les moyens d’endiguer ces dérives. Certains agents pointant, anonymement, le manque « d’organisation et de moyens financiers ». Ce que confirme à demi-mot Lukeka Bin Mia: « Nous sommes au courant de ces comportements », en ajoutant que la corporation aurait besoin d’un coup de main pour mener à bien son travail de contrôle et de régulation…

Bloggeurs

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S’il y a des escrocs, il y aussi une nouvelle catégorie de « journalistes » : les bloggeurs. Cyprien Miburo, chef de bureau chargé de la presse audiovisuelle à la division provinciale de la communication et média, le rappelle: « Il est devenu difficile de censurer l’information et aussi d’avoir le nombre exact de journalistes.

De plus en plus, de jeunes cyber journalistes, amoureux du scoop, se précipitent pour publier des informations qu’ils ne vérifient pas. » Tous ne sont pas malintentionnés, ni en train d’essayer de grappiller quelques billets des pratiques de coupage. En revanche, ils manquent souvent de professionnalisme : « La plupart des bloggeurs ne respectent pas les principes de la profession. C’est pourquoi ils paniquent la population en diffusant des rumeurs », explique Norbert Mwindulwa, assistant en sciences de l’information et la communication et chef de programme à la radio télévision Graben FM.

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Passé la nouveauté de pouvoir s’exprimer sans entraves sur Internet, pour le meilleur comme pour le pire, les bloggeurs les plus sérieux deviennent donc soucieux de respectabilité. Ainsi, Gaïus Kowene, rédacteur du blog AmkaAfrica, a initié Blogoma, une structure réunissant une trentaine de bloggeurs de Goma.

Le 30 novembre dernier, une lettre ouverte a été publiée, demandant que soient traqués « ces infiltrés qui salissent l’image de la presse ». Et à ses collègues bloggeurs, il rappelle que « la charte des bloggeurs nous recommande, comme tout journaliste, de respecter l’éthique et la déontologie, de ne jamais publier de rumeurs, de ne pas faire de propagande, de bien choisir et diversifier ses sources ». Une leçon également bonne à rappeler à nombre de journalistes des médias traditionnels.

Par Jean Paul Kombo, Mustapha Mulonda

Photos : Flickr

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