Pour son album Eve, la diva béninoise Angélique Kidjo a choisi de rendre hommage aux femmes africaines, précisément pour leur «résilience et leur beauté».
Fort d’une notoriété assumée et glanée avec mérite au cours de sa longue carrière de plus de deux décennies, marquée notamment par un Grammy en 2008, Angélique Kidjo propose seize titres dans son album paru en janvier chez son nouveau label 429 Records.
L’année 2014 sera extrêmement chargée pour la chanteuse, ambassadrice de l’Unicef, qui sera en tournée pour la promotion de l’album et qui a également lancé au début de l’année son autobiographie en anglais Spirit Rising : My Life, My Music chez Harper Collins.
Produit par Patrick Dillett (David Byrne, Fatboy Slim), Eve est «une ode musicale joyeuse à la fierté, à la beauté et à la force des femmes africaines ainsi qu’à leur influence socioculturelle dans le monde», souligne d’ailleurs la maison de disques.
Première constatation, l’opus est truffé de collaborations et de musiciens de talents : Asa, Dr. John, le trio béninois Teriba, le Gangbe Brass Band, Rostam Batmanglij, Le Kronos Quartet, l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg, mais aussi le guitariste Lionel Loueke, le batteur Steve Jordan, le bassiste Christian McBride ou le percussionniste sénégalais Magatte Sow.
D’emblée, le titre M’baamba met la barre haute. La chanson parle de ses femmes qui arborent fièrement les robes traditionnelles africaines.
C’est lors d’un voyage au Kenya que celle qui est depuis 2002 ambassadrice de l’Unicef a l’idée de ce qui deviendra l’album Eve.
«J’ai voulu rendre hommage à toutes ces femmes que j’ai rencontrées en Afrique et ailleurs, car nous les femmes, nous sommes toujours le ciment des sociétés», souligne-t-elle en entrevue avec la journaliste française Élodie Maillot dans sa cuisine, à Brooklyn.
Le résultat est épatant. Sa voix puissante et profonde se mélange harmonieusement, que ce soit en fon, en yoruba ou en mina, avec celle des autres femmes, comme avec sa complice Asa, par exemple sur Eva ou avec les femmes d’une chorale du Kenya et du Bénin.
Notons au passage la touche de Lionel Loueke, dont la présence, à la guitare, est évidente sur les interludes.
Le public averti appréciera indubitablement l’hommage de Kidjo (encore une fois) à la pionnière de la chanson togolaise Bella Bellow, une des idoles de son enfance. Elle interprétè le puissant titre Blewu (qui signifie patience en langue ewè), incantation et complainte poignante qui parle de la douleur et qui s’inspire du style negro spiritual.
Soulignons également le titre Kulumbu, qui parle de la souffrance des femmes en temps de guerre et qui suggère un meilleur rôle pour elle, lors des négociations de paix.
Fière et résolument africaine, la chanteuse installée depuis 1998 à New York n’a pas oublié d’où elle vient. «J’ai parlé pendant de nombreuses années de la beauté des femmes africaines, confie-t-elle. Je n’ai plus besoin de parler de ce sujet, car avec cet album, je laisse les voix des femmes témoigner de leur beauté au monde.»
La Béninoise sait aussi militer et défendre les idéaux qui lui sont chers. Dans sa vie, comme dans ses œuvres, les thèmes ne cessent de s’accumuler. Eve est aussi l’occasion pour elle de revenir sur les mariages forcés sur le continent, notamment avec Cauri, complainte d’une jeune fille forcée par ses parents à se marier ou Hello, qui parle du bonheur d’un mariage d’amour.
Impliquée pour l’éducation, la lutte contre le tétanos ou encore la promotion du commerce équitable, elle s’est trouvée récemment un nouveau champ de bataille.
En entrevue sur CNN avec l’animatrice Christiane Amanpour, Angélique Kidjo a dénoncé la situation des homosexuels en Afrique. «Ce qui me déconcerte et me met en colère, c’est quand des gens attisent la haine au nom de la religion, a-t-elle indiqué. Quel genre de dieu prient-ils? Pas le mien, en tout cas. Qui sommes-nous pour juger?»