Des milliers des travailleurs qui ont cotisé à la sécurité sociale en Rd Congo, ne touchent leur rente au moment de la retraite. Dans le Bas-Congo, au sud-ouest de Kinshasa, l’Institut national de sécurité sociale, souvent mis en cause, accuse les employeurs de détourner les cotisations versées par les salariés.
Syfia Grands Las/Rd Congo
Depuis 12 ans qu’il a pris sa retraite, Muimbula Mafuta n’a pas droit à sa rente. Cet ancien travailleur à l’Office national de transport (Onatra), aujourd’hui septuagénaire, est pourtant catégorique. Il affirme, sur la base de ses bulletins de paie, qu’il versait bel et bien ses cotisations sociales lorsqu’il était actif au sein de cette entreprise publique. Chaque mois, son employeur effectuait des retenues sur son salaire à ce titre. Le moment de la retraite venu, sa surprise a été alors grande d’apprendre, dans la lettre de refus reçue de l’Institut national de sécurité sociale (INSS), qu’il n’y avait « aucune trace des preuves de versement des cotisations en son nom par son ancien employeur. »
Plus de 500 autres retraités de l’ONATRA au Bas-Congo, ont constaté à la fin de leur carrière professionnelle, qu’ils ne pouvaient pas bénéficier de leur fonds de retraite. Aujourd’hui regroupés au sein d’une association, ils se battent malgré le poids de l’âge, pour revendiquer leurs droits. Retraité à 55 ans, Joseph Niosi, leur président, a travaillé depuis 1936 dans l’entreprise. Agé aujourd’hui de 75 ans, il vient régulièrement au cabinet d’avocats que l’association a engagé pour défendre leur cause. « Depuis plus de 10 ans, l’INSS ne me paie pas, je veux rentrer dans mes droits », tempête-t-il.
Prestations détournées
Selon un contrôle effectué en 2009 suite aux nombreuses plaintes des personnes retraitées, l’INSS a constaté qu’une centaine d’entreprises du secteur public et privé, ne versait pas régulièrement les cotisations sociales de leurs agents affiliés. Dans la seule ville de Boma, à 125 km au sud de Matadi (capitale provinciale), « 57 entreprises doivent justifier 250 millions FC (260 000$) de prestations sociales » régulièrement retenues sur les salaires mensuels des agents, mais jamais arrivées à destination. « Ce n’est pas de mauvaise foi. Parfois pour d’autres besoins de l’entreprise, nous utilisons cet argent que nous remboursons après », a reconnu un employeur. Ce qui, aux yeux de la loi, est un détournement.
En juin, l’INSS a demandé à l’autorité provinciale de lui délivrer les « titres authentiques », documents qui lui permettent de contraindre ces entreprises à s’acquitter de cette obligation. « Cela nous pose beaucoup de problèmes aujourd’hui », regrette Etienne Musole, l’un des directeurs provinciaux de l’Institut.
En Rd Congo où l’âge de la retraite est fixé à 65 ans, les travailleurs et travailleurs assimilés tout comme leurs employeurs, sont soumis au régime général de sécurité sociale, qui impose une cotisation de 7 % du salaire mensuel brut. La moitié de cette contribution à la caisse de retraite est à charge de l’employeur et l’autre du travailleur.
Mais les prestations entrent parfois directement dans les poches des chefs du personnel des entreprises. A Matadi, l’un d’eux a été suspendu en novembre 2010, pour avoir soustrait à la fin de chaque mois, d’importantes sommes d’argent destinées à la sécurité sociale.
Les syndicats veulent voir clair
A l’INSS, ces pratiques font gripper la machine. En juin, l’Institut n’a ainsi pas pu verser la rente trimestrielle des travailleurs. « Nous pratiquons un système de solidarité. La rente pour les retraités est prise sur les prestations sociales des travailleurs d’aujourd’hui. Ces derniers, une fois à la retraite, percevront à leur tour celles des travailleurs de demain », explique Emmanuel Kianisalu, directeur de l’INSS Boma II. Le syndicat des travailleurs, qui ne croit pas aux explications de l’INSS, l’accuse d’opacité. « C’est quand même une institution des travailleurs et employeurs, fait remarquer Lema Kivoka, du CDT.Nous devrions être étroitement associés, mais c’est drôle qu’on nous écarte souvent ».
Le gouvernement provincial qui veut mettre un terme à cette situation, a dépêché en juin une mission auprès des entreprises, pour les obliger à se conformer à la loi. Résultat, une trentaine d’entre elles ont commencé à régulariser la situation de leurs agents. Modero Nsimba, ministre provincial du Travail qui avait conduit cette mission se dit déterminé : « Nous allons accompagner l’INSS pour que ces détournements cessent. Car, il faut que les personnes du 3ème âge qui ont régulièrement cotisé ne souffrent pas demain ».
Par Alphonse Nekwa Makwala