Beni : Les fours à briques rongent les parcelles

A Beni, le boom immobilier pousse les habitants à fabriquer des briques jusque dans leurs parcelles et à dévaster toute végétation autour de la ville. A la moindre pluie, les érosions emportent les maisons construites sur ces terrains ravinés … Attirée par le gain, la population reste sourde aux appels des autorités.

Sosse, une cellule du quartier Mabolio à l’entrée de Beni, importante ville économique au nord de Goma, est en voie d’être rayée de la carte. Une à une les parcelles des habitants qui servaient à la fabrication des briques disparaissent, rongées par l’érosion.

De l’autre coté de la ville, plus au sud, au quartier Butsili, les fours à briques adobes dominent les maisons proches. Des briquetiers travaillent sans relâche nuit et jour pour y maintenir le feu allumé. « Cette activité s’effectue au mépris des normes », regrette Luc Musubao, agent au service urbain de Mines et géologies.

La demande en briques à Beni, ville de plus de 500 mille âmes qui connaît un grand boom immobilier, a flambé ces dernières années. Dans les chantiers, les architectes préfèrent souvent les briques en argile aux blocs ciments. Et comme la ville n’a aucune briqueterie industrielle, les citadins utilisent les moyens du bord.

Des paysans trouvent aussi salutaire ce nouveau travail, certains ont carrément abandonné leurs champs pour exploiter leurs parcelles. Ils creusent des trous parfois profonds pour extraire de l’argile et montent juste derrière leurs habitations des fours pour cuire les briques. « Celles-ci ne manquent jamais d’acheteurs. Parfois la vente s’effectue avant qu’elles soient cuites », témoigne Makelele Mbafumoya qui a abandonné ses palmeraies pour ce métier jugé plus rentable. Car au bout de six mois, il s’est acheté une voiture taxi qui dessert la ligne Beni-Butembo.

Rien ne semble dissuader les briquetiers

Il n’y a pas que les parcelles qui sont menacées de disparaître, les arbres aussi. Aux alentours de la ville, les habitants coupent le bois sans ménagement et les vendent aux briquetiers qui alimentent leurs fours. »Actuellement 15 m3 de bois se négocie entre 35 $ et 50$ », atteste Gabriel Muhongya, vendeur de bois au village Ngadi. Selon lui, pour faire tourner un four de 30 mille à 50 mille briques, il faut au moins 20 fois cette quantité. Car, les fourneaux restent allumés de manière ininterrompue pendant cinq jours.

Pour les fonctionnaires de l’environnement, la déforestation de la ville est considérée comme un vrai danger public. Mme Kahambu Kituli, chef de service urbain de l’Environnement regrette que les arbres soient coupés sans être replantés. Selon elle, une ville sans arbre s’expose au vent violent et aux érosions et se prive du bon air. Mais ses mises en garde ne semblent dissuader personne.

Et son appel lors de la journée internationale de l’arbre (21 mars) demandant aux habitants de planter chacun un arbre n’a pas été suivi. « Je pensais que la toiture de l’Institut Kasabinyole de Beni emportée par le vent le mois dernier servirait de leçon pour interpeller les gens à ne pas couper les arbres. A cette allure nous perdrons des maisons dans l’avenir. Les gens semblent insensibles », se désole un agent du service de la protection civile.

Pour mettre de l’ordre dans le secteur, identifier les exploitants et en dissuader certains, la mairie fait payer des taxes aux fabricants des briques. « Chaque exploitant briquetier paye une patente annuelle de 50 $ à la commune et 20 $ par four », explique Patrick Mbwanasefu, percepteur à la commune de Ruwenzori.

De son côté, la Direction générale des recettes administratives, domaniales et de participation (DGRAD) recouvre une redevance annuelle. « Cette taxe est obligatoire. On la paye au début de l’année avant que les briquetiers ne commencent leur travail ».

ParJacques Kikuni Kokonyange

 

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