« Zébu Boy » d’Aurélie Champagne: devoir de mémoire d’une tragédie malgache

Avec son premier roman, mais non moins chef d’oeuvre Zébu Boy, l’auteure Aurélie Champagne oblige en quelque sorte chacun des lecteurs à un devoir de mémoire sur le sort de ces milliers de soldats africains, dans ce cas malgaches, qui se sont battus aux côtés de la France pendant la Seconde Guerre mondiale avant d’être traités comme des moindres rien.

Dans cet ouvrage, à la fois émouvant et révoltant, de 256 pages paru aux éditions Monsieur Toussaint Louverture, Aurélie Champagne-Razafindrakoto, un peu Malgache par son père, ancre une fiction dans des faits historiques.

En mars 1947, dans ce petit bout de pays, des anciens soldats malgaches qui se sont battus pour la « Toute Grande France » dans la Meuse ou en Somme, sont désillusionnés à leur retour au pays parce que les promesses de citoyenneté, d’indépendance et de compensation financière ne sont pas tenus. Pire, parfois, on leur prend parfois tout ce qui leur reste.

Ils tentent alors une insurrection contre les vazaha, entendus colons francais, mais la puissance coloniale va répondre par une terrible répression qui fait plusieurs milliers de morts.

C’est dans ce contexte que l’auteure ancre les péripéties de celui qui se fait appeler Zébu Boy, AKA Ambila, héros de son histoire. De retour sur l’île, ce dernier retourne chez un ombiasy, sorte de guérisseur traditionnel et de sorcier, pour se procurer des aody (amulettes), censés protégés contre tout, même les balles. Il espère prospérer alors que la chaos se profile.

« Zébu Boy est un livre sur ceux qui restent. Ceux qui survivent au pire, qui survivent à ceux qu’ils aimaient. Comment l’épreuve casse ou transforme celui qui la vit. Comment, pour survivre, il faut neutraliser celle ou celui qu’on était et devenir un autre. »

Sur le chemin de retour vers son patelin, il noue une certaine amitié avec Tantely, un Merina (Malgache originaire du nord des hautes terres centrales de Madagascar) avec qui il entreprend la route périlleuse à bord d’une Peugeot 202.

Ils se retrouveront à devoir faire la guerre aux côtés d’autres vétérans contre les Français, mais aussi les autres soldats africains avec qui ils ont combattu les Allemands en France.

« Les anciens camarades de combat étaient devenus leurs geôliers. »

Extrait du livre

Si en réalité le récit ne dure que quelques jours, Aurélie Champagne a eu la bonne idée d’intégrer, ici et là, des allers retours dans le passé de survivant d’Ambila. Les épopées de ce samurai malgache sont savoureuses tout comme son courage inébranlable, sa détermination et ses croyances.

Ambila doit son surnom de Zébu Boy à sa parfaite connaissance de ce sport locale appelé savika, sorte de tauromachie sans mise à mort du zébu, sorte de bovidé à la silhouette ressemblant à celle des vaches.

Pour les lecteurs, l’auteure ouvre une porte qui, pour plusieurs, ne se refermera peut-être jamais, un peu comme la sienne d’ailleurs. À 20 ans, en quête de sens et de repère, la jeune Aurélie Razafindrakoto débarque dans le pays de son père avec une seule certitude. Le patronyme qu’elle a hérité signifie Fils de Prince.

Sur place, elle découvrira rapidement et à son grand dam qu’il n’en est rien. Découle alors de ce revers l’envie frénétique d’en savoir plus sur son passé. C’est ainsi qu’elle tombe sur cette épisode de 1947 que les livres d’histoire de son autre pays n’abordent jamais en substance. Un peu comme son héros, il lui faudra multiplier les batailles et un peu de résilience pour venir à bout de son désir de publier.

À sa manière, Aurélie Champagne réussi à faire voyager les lecteurs sur l’île de Madagascar, non sans leur tirer quid d’une tristesse ou d’un sentiment de révolte sur le sort de ces vaillants mais pauvres soldats trahis, qui comme le vieux Lucien, devait remettre ses « godillots à son arrivée à Tamatave et […] rentré chez lui pieds nus, après des années de guerre. »

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