Les Burundaises toujours privées d’héritage

Au Burundi, l’héritage revient, par tradition, aux garçons. Un projet de loi accordant quelques droits aux femmes est en discussion depuis plus de dix ans. Dans ce pays surpeuplé, la question du partage des terres est particulièrement sensible. Des associations essaient de faire évoluer les mentalités.

(Syfia Grands Lacs/Burundi)

Au Burundi, aujourd’hui encore, la loi ne dit rien sur le régime de succession. La référence reste la coutume traditionnelle : la femme n’hérite pas des terres de son père et exploite celles de son conjoint. L’épouse peine même à hériter de ce dernier quand elle n’a pas de fils. « Les frères de mon époux veulent s’emparer de la propriété qu’il m’a laissée parce que je n’ai mis au monde que des filles « , témoigne une veuve.

Burundaises, Crédit Photo : Martine Perret, Flickr

Un projet de loi, qui prévoit de partager plus équitablement l’héritage des parents entre garçons et filles, est en chantier depuis… plus de dix ans ! « Quand j’étais encore député, avant les élections de 2005, personne ne plaidait pour sa promulgation. À maintes reprises, le projet a été inscrit à l’ordre du jour, mais personne n’osait s’exprimer là-dessus », rapporte un ancien parlementaire.

Cette loi, impatiemment attendue par les femmes, imposerait un partage – cependant partiel – des biens : seuls les biens mobiliers et immobiliers (maisons) et le bétail seraient partagés équitablement. Les terres, elles, seraient récupérées par les frères à la mort de leur sœur.

Une avancée inconcevable pour certains. « S’ils veulent plonger encore le pays dans la guerre, qu’ils promulguent cette loi », menacent des personnes interrogées par un magistrat de Ngozi sur les problèmes fonciers au centre du pays. Permettre à la femme d’avoir légalement droit aux terres équivaut, d’après eux, à ouvrir la porte au clan du mari et occasionnerait des conflits entre frères et beaux-frères.

Dans un pays surpeuplé où plus de 90 % des gens vivent de l’agriculture, les terres à cultiver sont rares et très convoitées. Il ne s’écoule pas de jours sans que la radio annonce que des personnes se sont entretuées pour des conflits fonciers, en particulier dans les provinces les plus peuplées (Kayanza, Ngozi, Muyinga). Les membres de certaines familles fuient vers d’autres provinces à la recherche de terres.

Premiers résultats des associations

Dans ce contexte tendu, des associations comme Abatangamuco (Les éclaireurs) et Nawenuze (Viens toi aussi), soutenues par Care International, se mobilisent pour que les femmes ne soient pas systématiquement lésées. Très difficilement, elles arrivent à convaincre certains hommes. Pancrace Sabunda, 70 ans, de la commune de Gashikanwa, province de Ngozi, dit avoir été convaincu par l’association Dushirehamwe (Mettons-nous ensemble). « Mes sœurs sont venues me voir. Nous avons partagé la propriété au prorata du nombre de personnes dans notre famille, filles et garçons », assure-t-il.

« La loi sur la succession sera bonne si elle appliquée et bien appliquée »

Mais, dans les campagnes, les résistances sont fortes. Terrorisées par leurs frères qui les menacent de mort, les villageoises font profil bas « Les intellectuelles cherchent à nous diviser avec nos frères avec qui nous aimerions entretenir de bonnes relations », déclare timidement une jeune femme rencontrée avec d’autres à Muramvya, au centre du pays. C’est aussi par ignorance qu’elles ne se battent pas pour faire valoir leurs droits. « Si les femmes de Bujumbura réclament le partage, c’est qu’elles parlent uniquement sur les villas laissées (en ville, Ndlr) par leurs pères », affirme une autre femme de ce même petit groupe.

« La loi sur la succession sera bonne si elle appliquée et bien appliquée. Il faut que les autorités fassent tout pour qu’elle soit promulguée », presse, à l’inverse, une juriste. Le débat est loin d’être terminé…

Par Béatrice Ndayizigamiye

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