Butembo : des enfants nés hors mariage privés d’héritage

Cachés par leurs pères, des enfants nés hors mariages subissent la double sanction de la vie : sans paternité légale, ils sont en plus privés d’héritage.

Syfia International

A 17 ans, Kambale Masikini vit chez son oncle maternel. Il ne connaît pas son père. « On m’a toujours raconté que mon géniteur avait une ferme à Kalunguta et un grand magasin à Kisangani, mais je ne sais pas où sont ces biens, ni qui les gère… », raconte-t-il. Pour payer ses études, il n’a d’autre choix que de vendre chaque après-midi à la criée, les beignets d’un voisin du quartier.

Dans la culture locale, avoir un enfant hors mariage est un affront pour la famille, surtout pour la mère que la société assimile à une prostituée. Et la communauté semble comprendre cette logique. « Le problème est que la coutume du milieu oblige l’oncle maternel à s’occuper de ses neveux bâtards », explique Mustari Vangisivavi qui travaille au musée national de Butembo.

Du coup, beaucoup de pères qui ont eu des enfants hors mariage hésitent à les déclarer et les faire connaître, sauf s’il s’agit d’une fille. « Les parents ou autres membres de famille protègent les filles car ils visent la dot qu’ils toucheront lorsqu’elles se marieront », indique Jackson Bwahasa, animateur au Centre d’études juridiques appliquées de Butembo.

Les garçons, eux, doivent faire leurs preuves pour se faire valoir. « Lorsqu’ils font des exploits ou deviennent célèbres, on se vante de raconter qu’ils sont de sa famille mais ceux qui ne s’en sortent pas souffrent dans l’anonymat », explique Mustari.

Nos déclarés et ignorés

Les choses se gâtent davantage à la mort du père. Ces enfants cachés n’ont droit à aucun héritage. « C’est une violation grave des droits des enfants, un comportement punissable par la loi », pense maître Katy Furaha, de l’association Femmes juristes pour la protection des droits de la femme et de l’enfant. L’article 758 du Code de la famille stipule que tous les enfants nés d’un mariage ou hors mariage, affiliés du vivant du père forment la première catégorie des héritiers de la succession.

« Même les enfants adoptifs affiliés sont considérés légalement comme ayant droit. Le comble est beaucoup de parents ne déclarent pas leurs enfants et ne laissent pas de testament », explique Jackson Bwahasa qui constate que les plaintes sont rares au tribunal pour abandon de famille.

Conscients de leur situation fragile, ces enfants sont souvent appréciés pour leur docilité, obéissance et courage. « On n’a pas de choix, car un dicton Nande (la langue du milieu, Ndlr) dit qu’un enfant humble mange à la table avec son père », explique Kambale Masikini. « Mon neveu que j’héberge chez moi est exceptionnel. Son comportement me convainc, j’en ai fait un de mes fils », témoigne Etienne Muhindo, un parent habitant le quartier Vubange. « Ils prennent conscience de leur situation et se disent qu’ils n’ont pas d’autre alternative que de faire profil bas et se battre pour la survie », renseigne Wasukundi Marie, un psychologue.

Par Kennedy Wema

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