Goma : Info, rires et succès

En vogue à Goma, les journaux satiriques captivent auditeurs et téléspectateurs. Un mélange de rire et d’information qui fait de l’ombre aux médias traditionnels.

Syfia International

Grand pantalon, grosse paire de lunettes, Jonathan Kyalondawa, surnommé « Mzee Mbukuli », harangue les autorités. Le 14 décembre dernier, dans son émission quotidienne « Info 2GO » (sobriquet de Goma) sur Mishapi Voice TV, il demande « au maire de la ville de prendre en charge les enfants de la rue qui dorment dans des épaves dans l’enceinte du parking de l’Association des chauffeurs congolais car ils souffrent, et des fillettes se font violer impunément ».

Media_CongoInfo 2 GO est une émission très populaire, à l’instar d’autres du même genre, comiques ou satiriques : « Pusa Masolo », Journal des fous « , « Faucons-faucons « … Les auditeurs et téléspectateurs y sont fidèles : « Je ne rate aucun numéro car c’est dans ces diffusions que nous nous retrouvons, nous la population avec nos difficultés. Ils plaident pour nous auprès des autorités », assure Safi Nyondo, qui regarde « Pusa Masolo  » avec ses enfants, mordus eux aussi d’émissions satiriques.

L’ennui des médias traditionnels

Ces émissions qui font rire les gens en les informant sont devenues en vogue et obtiennent plus qu’un succès d’estime parmi les Gomatraciens. Les médias traditionnels en font les frais : « Les journaux normaux ne m’intéressent presque plus, lâche Alphonse Abeli.

Ils ne font que retransmettre, du début à la fin, les rencontres des autorités et les communiqués officiels. Quel ennui ! Ils sacrifient ainsi la population qui a le droit de connaître les nouvelles qui l’intéressent. »

Il suit en riant une analyse des causes de la guerre perpétuelle à l’Est de la RDC par Petit Tipel, un personnage des « Faucons-faucons « , émission satirique diffusée chaque matin sur Radio Kivu 1.

A l’origine de ce désamour, le travers structurel des médias congolais : le manque d’argent. Pour Kakola Lutala, assistant à la faculté des Sciences de l’information et de la communication à l’Institut supérieur « La Sampientia « , la question des frais de fonctionnement handicape les médias traditionnels. Les principaux revenus viennent des sources des journalistes, qui privilégient ainsi leurs activités : « Nous privilégions les voyages et les actions du gouverneur, des ministres… A lui seul, le gouvernorat nous paye 1000 $ chaque mois ; c’est l’argent qui m’aide à la maintenance et au paiement de mes agents « , explique l’un des directeurs d’une radio privée locale.

Popularité et confiance

Medias-Journalistes-Congo-FlickrRoger Kahindo, conseiller du ministre provincial des Médias, Communication et Presse, recommande aux responsables de médias de disposer de revenus suffisants… sans préciser comment. « Celui qui n’a pas assez de moyens, qu’il ne crée pas une chaîne afin de ne pas créer un média mendiant « , martèle-t-il.

Les journalistes perdent ainsi notoriété et confiance du public, cependant que les animateurs satiriques sont présents sur le terrain. Parfois, au lieu d’appeler les services d’une rédaction en cas de vols, incendies ou meurtres, les gens appellent ces comédiens.

« Les satiriques ne nous taxent pas après le reportage, contrairement aux nombreux journalistes qui exigent de l’argent auprès des victimes, quand ils viennent « , dénonce un jeune du quartier Mabanga, qui avoue avoir dans son répertoire téléphonique, tout comme son entourage, presque tous les numéros des présentateurs des journaux satiriques.

Bien sûr, ces comédiens ne travaillent pas pour rien. Majoritairement sans contrat et non payés par leurs patrons, ils vendent leur image pour faire de la publicité (laits de beauté, style, vins…). Ils sont aussi sollicités pour agrémenter les noces et autres activités festives.

« La distance entre les journalistes et le public m’a motivé, il y a environ un an, à mélanger actualité chaude et comédie, explique Jonas Mutiya, qui présente « Journal de fous  » sur Hope Chanel. Je parle de la nécessité d’avoir de bonnes routes, des soins de santé pour les plus démunis, des droits des enfants… Thèmes qui ne sont pas tellement exploités par les journaux parlés traditionnels. Voilà la raison de mon succès. » Ce dimanche 15 décembre, il se préparait à aller animer une fête d’anniversaire pour une centaine de dollars.

Par Mustapha Mulonda

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