Assistance mortelle de Raoul Peck : les dessous du business militaro-humanitaire

Diffusé pour la première fois en 2013 sur la chaîne de télévision franco-allemande Arte et projeté à Montréal dans le cadre du festival Vues d’Afrique, le documentaire Assistance mortelle de Raoul Peck revient sur l’ingérence humanitaire et financière dont a été victime Haïti après le tremblement de terre de janvier 2010.

12 janvier 2010 : la terre tremble en Haïti, non loin de Port-au-Prince. Durant plus de deux minutes, la population sidérée s’abrite visage et corps tout entier tandis que les bâtiments s’effondrent, laissant au sol un océan de gravats.

Assistance mortelle Raoul PeckCette catastrophique écologique venant frapper le pays le plus pauvre du monde, émeut la communauté internationale qui déploie à tour de bras des promesses de dons s’échelonnant sur des millions de dollars.

Alors que l’on dénombre 230 000 morts, 300 000 blessés et plus d’un million de sans-abri, Haïti voit débarquer un essaim d’organismes humanitaires ainsi que des bailleurs gouvernementaux (Etats-Unis, Canada, Union européenne, etc.), prêts à sortir définitivement l’île de sa détresse.

« Chaque décennie, les riches promettent tout au pauvre. Le rêve de l’éradication totale de la misère, des maladies, de la mort reste un mythe sans fin. »

Aberrations organisationnelles et brassage d’air

Le documentaire de Raoul Peck filme et explicite sans concessions la prise en charge malhabile, inefficace et surtout longue des différentes ONG installées en Haïti durant les deux années qui ont suivi les secousses sismiques.

Se concentrant principalement sur les édifiantes difficultés d’analyse de situation en temps de crise, de coordination et de compréhension sociale que rencontre la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti (CIRH), Raoul Peck démystifie le rôle salvateur que se décernent les structures d’aide à la population.

Le montage en parallèle est cruel : alors que les chefs des organismes ne cessent de se réunir pour commenter des graphiques, exigeant des audits et des expertises sans fin ; les Haïtiens survivent dans des bidonvilles et des campements transitionnels (camp Corail) installés à dix-huit kilomètres de la capitale.

L’argent promis par les différents états se fait attendre – seulement 10% des milliards promis seront finalement versés au bout de deux ans – et les Haïtiens se lassent de ne rien voir se concrétiser. Les panneaux colorés de projets urbanistes détonnent dans un paysage dévasté. Qui ose croire encore aux mirages à Port-au-Prince ?

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Utopies et retour d’un fantôme

Assistance mortelle- Raoul Peck 2Deux visions avancent sans aucun point de convergence. Il y a d’abord celle idéaliste, théorique et inapplicable sur le terrain des ONG qui rêvent seules et presque égoïstement de reconstruire à zéro un pays dont elles nient – consciemment ? – l’histoire institutionnelle.

Et puis il y a la vision des acteurs au quotidien, empêtrés dans les problématiques réelles de logement, d’alimentation et d’emploi et qui conséquemment ne peuvent offrir que des solutions à court terme aux familles dans l’attente.

Et alors que le pays peine à organiser ses élections, gérant le plus indépendamment possible le départ de Préval malgré les magouilles diplomatiques orchestrées entre autres par les États-Unis, Jean-Claude Duvalier parachève son retour médiatique autant inattendu que saugrenu, acclamé par des jeunes à qui l’on a omis de raconter les sombres détails de la dictature. La logique et le bon sens ont déserté Haïti.

Retour à la case départ

Deux ans après le tremblement de terre, il n’y a rien si ce n’est des cabanes de fortune aux toits qui fuient. Aucun bilan à tirer, aucun compte à rendre puisqu’aucun compte exigé.

En définitive, Assistance mortelle ne fait qu’actualiser avec de nouveaux maux et de nouvelles images le mensonge international, la manipulation de la souffrance à des fins politiques, l’abus absurde de projets à court terme, l’incapacité flagrante des ONG à gérer l’après d’une catastrophe, etc.

Et les Haïtiens qui ont vu le ciel leur tomber sur la tête ne sont que les éternels dommages collatéraux, les perpétuelles victimes des intérêts et des chimères projetés par les pays riches.

Pojection à Vues d’Afrique :

  • Dimanche 4 mai à la Cinémathèque québécoise à 16h30

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