Zoom sur le cinéma maghrébin, avec le cinéaste algérien Dahmane Ouzid : situation du cinéma, rôle des femmes, politique algérienne. Son film, Essaha (la place), en compétition officielle au Fespaco 2011 est au Festival Vues d’Afrique 2012.
À propos du film.
C’est un projet qui a plus de 20 ans d’âge, que je voulais faire quand j’étais tout jeune cinéaste, en 1989. Mais entre 1990 et 2000, notre pays a connu une décennie noire. J’ai donc fait de la télévision pendant ce temps. Lorsque la situation a connu une embellie, nous nous sommes dits : « C’est peut-être possible ».
Cependant, pour le montage financier, nous n’avons obtenu que de quoi faire un feuilleton, un feuilleton en comédie musicale. Puis au milieu du tournage, nous nous sommes dits que nous pouvions en faire quelque chose de plus grand. Le ministère de la Culture nous a donné de quoi faire la post-production.
Pourquoi ce titre, qui signifie « La Place »?
C’était un titre prémonitoire. J’aime à rappeler que ce mot est très à la mode dans le monde arabe. La place, en fait, c’est l’Algérie. Tout le monde veut se l’accaparer. Et je ne parle pas des étrangers. C’est chez nous, à l’intérieur. Chacun veut la transformer selon ses désirs, selon ses souhaits. C’est le seul endroit de liberté qui reste. C’est une parabole sur notre pays, sur nos pays.
Pourquoi avoir choisi de faire une comédie musicale?
Après la décennie noire, il fallait apporter un peu de couleur. Faire l’effort de réapprendre à sourire, à imaginer l’espoir, en chant et en danse. C’est très important, car les intégristes ont réinventé le péché. Ils disent que danser, c’est péché. Pourtant, c’est la chose la plus naturelle du monde! Prenez un bébé, tapez des mains et il commance à se dandiner. La danse et le chant, c’est l’expression artistique première.
Après des années de brimades, je voulais que les jeunes Algériens se regardent dans le miroir et qu’ils voient une image positive. Je pense à tous ces jeunes émigrants qui laissent leur terre pour se faire adopter. Pourqoui laisser cette terre? Elle est à vous.
Dahmane Ouzid, réalisateur de Essaha (la place)
Dans le film, les hommes d’affaires semblent pousser les jeunes dehors.
Les jeunes n’ont plus leur place sur la place, ils doivent se la réapproprier. Dans notre pays, 75 % des gens ont moins de 30 ans. Pourtant, c’est toujours un vénérable patriarche qui dirige, même si c’est un bourricot.
L’autorité joue sur la notion du père, et notre jeunesse cède la place et s’en va. Il faut trouver une autre façon de respecter son père sans être dans la soumission. Les pays vieillissants soient dirigés par des jeunes, tandis que nos pays jeunes sont dirigés par des vieux!
Les jeunes sont révoltés, dans Essaha, mais quand ils arrivent devant le maire, ils ne savent pas quoi lui dire.
C’est ce qui se passe en Algérie. En ce moment, il y a des manifestations, des marches, tous les samedis. On n’y voit pas les jeunes. Pourtant, ils ont fait plein d’émeutes avant. Ils sont perdus. Ce sont les enfants de la guerre. Ils ont 20 ans et ils ne croient en rien. On leur a brûlé leur jeunesse. Ce qu’ils veulent, c’est un travail, un logement, et un mariage. Si un gouvernement leur donne ça, c’est bon.
Ils font face à l’autorité, mais ils ont du mal à verbaliser leurs demandes. Ils veulent tellement de choses. Il faut revenir à l’organisation de base. Débarrasser la politique de ce qui la gangrène.
C’est un film très politique, mais qui rassemble. Vous devez avoir pris beaucoup de précautions.
Écoutez, c’est un film à 100 % de financement algérien, et 100 % de financement étatique. Vous en connaissez, vous, des états qui payent pour qu’on les critique? Alors nous n’avons pas attaqué l’état, mais nous l’égratignons allègrement. Nous savons où est la ligne rouge. On la connaît, elle est là. Nous avons sautillé au-dessus, mais nous ne l’avons pas trop dépassée. Le but, c’est que les Algériens voient ce film. S’il avait été censuré, il aurait été présenté dans les festivals étrangers comme « le film du mec qui a été censuré ». Quel intérêt?
En 2012, ça fera un demi-siècle que l’Algérie est indépendante, et ça a pas mal foiré. Il faut faire de la pédagogie. Libérez-vous, mais de façon algérienne. Il y a cette idée que le bon cinéma maghrébin/africain est celui qui ose briser les tabous, taper dans le tas. Moi, je préfère aider mon pays à avancer.
Essaha traite aussi du rôle des femmes, qui se battent pour obtenir leur place.
Bien sûr que les femmes ne se laissent pas faire! Les femmes, on ne leur donne pas la liberté, alors elles la prennent! Elles ont raison. Je suis macho comme tous les autres. Si ma femme ne me demande pas de faire la vaisselle, je ne la fais pas!
L’éducation aussi, c’est très important. D’ailleurs, je prévois un changement très très important dans nos pays. Vous savez que 70 % de ceux qui ont le baccalauréat sont des filles? Les gars sont dehors, ils tapent le ballon. Les filles n’ont pas ce droit. Alors elles étudient, elles travaillent, car elles savent que c’est le seul moyen pour elles de s’en sortir. Et elles deviennent médecin, juristes, ingénieures. C’est comme ça que les jeunes femmes prennent leur place.
Nous devons trouver une autre façon de respecter son père, sans être dans la soumission. Dahmane Ouzid
Dans votre film, on ne voit pas les pères. Où sont-ils passés?
En Algérie, les générations ne se mélangent pas. Les mères et les filles sont à la maison. Les garçons sont sur la place. Les pères sont au travail ou ils prennent le café ailleurs. Les pères sont démissionnaires, absents. Alors on a choisi de ne pas les montrer. On parle des jeunes, pas des vieux schnocks comme nous!
Comment avez-vous composé la distribution?
En Algérie, il n’y a plus d’école de danse, de chant, pas de conservatoire, après ce blackout de 10 ans. Alors nous avons fait un casting à travers tout le territoire. Nous avons auditionné 500 jeunes. Nous avons retenu cinq gars et six filles. Deux garçons avaient un petit peu d’expérience, deux filles étaient en formation pour devenir comédiennes. Nos critères étaient d’abord la comédie, puis la danse et enfin le chant. Ce sont les jeunes et une assistante chorégraphe qui ont créé les chorégraphies.
Quel a été le coût de ce film?
Le feuilleton plus le film ont coûté l’équivalent d’un film moyen en Europe, soit environ de 100 000 euros. Nous avons travaillé à l’économie. Il y avait quand même six mois de tournage.
Le film est-il sorti en Algérie?
Non, il sortira le 14 mars en sortie simultanée dans toutes les salles 35 mm du pays. Ces salles sont dans un état désastreux. À l’indépendance, il y avait 352 salles en Algérie. Elles ont été prises en charge par l’Organisation nationale du cinéma, pour qui j’ai travaillé et qui a fermé en 95.
Comme elles ont été rétrocédées aux communes, elles ont été très mal gérées et pendant la décennie noire, l’État avait autre chose à faire que de s’occuper de cinéma, alors elles sont devenues des centres commerciaux, des centres de diffusion vidéo, etc. Il n’y en a plus que neuf dans tout le pays!
Actuellement, le ministère de la culture a un programme de rénovation et de réhabilitation des salles. Mais où est le public? Même actuellement, les salles sont loin d’être bondées. Les gens boudent le cinéma. Je pense que c’est dû au couvre-feu instauré pendant la décennie noire. Les Algériens ont pris l’habitude de rentrer chez eux après le travail et d’y rester. Ils sont devenus téléphages. La télévision, c’est leur seul loisir.
Vous savez que l’Algérie est le pays le plus parabolé au monde? Les Algériens vivent par procuration, en regardant les autres vivre par la petite lucarne. Il faut leur réapprendre à regarder un film sur grand écran. Il y a des gens de 30 ans qui ne sont jamais allés au cinéma!
Essaha sera présenté au Festival Vues d’Afrique 2012, à Montréal.
hé le vieux schnocks les mères et les filles sont aujourd’hui dans la rue en tout liberté a courir sans savoir ou allée .les jeunes hommes dans des barques ou bateaux pour l’Europe ou dans les cimetières .les pères comme tu les nomme vieux schnocks sont a la maison.
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