«Les Misérables» de Ladj Ly: la face cachée d’une réalité bien française

Réalisé par le cinéaste Ladj Ly, le long-métrage Les Misérables est une oeuvre qui dépeint le quotidien brutal vécu dans une ville périphérique de Paris. Plongé en plein cœur des Bosquets, une cité de Montfermeil (banlieue de Seine-Saint-Denis – 93), le spectateur assiste à la naissance de la violence sociale, ancrée dans une de ses cités. Avec cette fiction percutante, très proche de la réalité, le cinéaste signe avec brio son premier long métrage. 

À travers le regard de différents citoyens (policiers, jeunes de quartiers, habitants, parents), le réalisateur présente une facette du paysage français qui n’est pas connue de tous.

Trois flics de la Brigade anti-criminalité (BAC), Stéphane (aka Pento), Chris (aka Cochon) et Gwada (dont on ne connaît pas le véritable prénom) se démènent pour faire régner l’ordre dans un quartier où la loi du plus fort prévaut. Comme dans un « Far West », chacun se bat pour sa peau, ses propres intérêts, ses motivations, cherchant à tout prix le respect.

Ladj Ly

Les équipiers se retrouvent dans une situation délicate qui se transforme en bavure policière. S’ajoute à l’équation, un drone qui a filmé toute la scène. Commence alors une chasse à l’homme pour mettre la main sur cette preuve qui pourrait mettre en péril la vie de plusieurs personnes. 

Qui sont les véritables coupables dans cette affaire? La question perdure tout au long de cette traque sous tension… 

Tel un artiste, Ladj Ly pose une réflexion profonde sur ces crises sociales vécues par une tranche de la société française qui paraît livrée à elle-même. Le réalisateur fait prendre conscience que des populations, tels des hommes en cage, vivent chaque jour dans un environnement bercé par une inhumanité constante.

Des immeubles insalubres, une jeunesse errante et persécutée, des abus policiers et politiques, la corruption, la drogue, la prison, la religion, la parentalité… tant de thèmes touchés dans cette proposition du réalisateur, lui-même issu de la cité des Bosquets de Montfermeil. Il est impossible de ne pas être touché par cette authenticité palpable durant tout le film, crédibilisant ces scènes étourdissantes.

L’espoir de changement s’avère illusoire: cela fait plus d’une dizaine d’années que ces protagonistes cohabitent dans ce chaos ordonné. Certains essaient de prendre de la hauteur pour ressentir un semblant de liberté, pour ainsi s’échapper de ces réalités.

D’autres le font pour mieux constater la misère de ces zones recluses. Ces prises de vues singularisent ces paysages larges, marqués par des barres d’immeubles et ses espaces délabrés, rappelant ceux des pays en guerre. Loin de l’imaginaire collectif qu’on peut se faire de la belle France touristique, avec sa tour Eiffel et ses Champs Elysées. 

D’ailleurs le film commence sur les mouvements de foule et de liesse provoqués par la Coupe du Monde 2018, remportée par l’équipe de France. Il y a alors une unité nationale célébrée sans disparité entre les Français, quels que soient leur origine, classe sociale, profession, âge, sexe… Ce moment fort a fait vibrer tout le pays. C’est toutefois, sur une courte durée, car le nuage utopique tricolore s’est évaporé dès le lendemain. 

Peut-être un message d’espoir, une piste de solution envoyée par Ladj Ly pour embellir la vie de ces misérables? La jeunesse, représenterait un biais vers l’optimisme qui profiterait à tous. Son film se conclut par une citation de l’auteur Vicor Hugo:

« Mes amis, retenez ceci :
il n’y a ni mauvaises herbes
ni mauvais hommes,
il n’y a que de mauvais cultivateurs.»

Le long métrage de 105 min est un appel d’attention. Le spectateur est tenu en haleine tout au long du film. Ses sens et ses émotions sont incessamment sollicités. Cette oeuvre est accessible et peut toucher tout type de public.

Il s’agit d’un essai, une réflexion, un constat qui a même interpellé le président de la République française, Emmanuel Macron. Ce dernier s’est dit bouleversé par la justesse du film et a demandé à son gouvernement de rapidement « trouver des idées et d’agir pour améliorer les conditions de vie dans les quartiers« .

On doit à Ladj Ly plusieurs documentaires sur les violences policières (365 jours à Clichy-Montfermeil, À voix haute : La force de la parole). Son premier film lui a toutefois valu plusieurs distinctions, notamment, le Prix du jury au Festival de Cannes et celui du Ornano-Valenti au Festival du cinéma américain de Deauville 2019. Les Misérables  aussi été sélectionné aux Golden Globes 2020 dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère. De plus, c’est le représentant de la France aux Oscars.

Après le succès rencontré en France lors de sa sortie en novembre dernier (avec près de 1,7 million d’entrées), Les Misérables sera projeté sur les écrans outre-Atlantique à partir du 10 janvier 2020 (distribué au Québec par TVA FILMS, et en salles aux États-Unis par Amazon Studios et Level Film au Canada anglophone).

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